Un bus noir sillonne les quartiers les plus huppés de Londres pour une visite guidée d'un nouveau genre visant à faire découvrir les maisons luxueuses et appartements de grand standing achetés avec de l'argent sale.

« L’idée derrière cette visite est d’attirer l’attention publique sur le fait qu’il y a un blanchiment massif d’argent à travers le marché immobilier de Londres« , a explique le militant anticorruption Roman Borisovich, à l’origine de cette visite baptisée « Kleptocracy Tour« . Il souhaite également révéler au grand jour le rôle des « intermédiaires » – avocats, fiscalistes, etc… – sans qui ces opérations seraient impossibles.

Avec à son bord des parlementaires britanniques, des militants anticorruption et des journalistes, le bus sillonne les plus beaux quartiers de la ville. Roman Borisovich pointe du doigt ici des hôtels luxueux en plein coeur des quartiers touristiques, là une maison cossue, ou encore un complexe immobilier à l’accès sécurisé.

Un bus noir sillonne les quartiers les plus huppés de Londres pour une visite guidée d’un nouveau genre.

Des demeures identifiées soit parce que leurs propriétaires ont été condamnés soit parce qu’ils sont soupçonnés de l’avoir acquis avec de l’argent sale.

Il marque un arrêt dans une impasse à proximité du parc Hampstead Heath, dans le nord de la capitale, devant une luxueuse maison dotée de six chambres et d’une piscine intérieure. Cette demeure a longtemps été celle de James Ibori, un ancien gouverneur nigérian qui a plaidé coupable devant un tribunal britannique en 2012 pour dix chefs d’accusation, notamment de blanchiment d’argent, et a été condamné à une peine de 13 ans de prison.

Sous notre nez

« La corruption est souvent vue comme un problème des pays en développement », rappelle Saira O’Mallie de l’organisation One créée par Bono, le chanteur de U2, pour lutter contre la pauvreté, et qui co-organise cette visite guidée.

« Mais en réalité, nous avons pris conscience que le Royaume-Uni et beaucoup de pays européens et les Etats-Unis facilitent la corruption… C’est là, sous notre nez », ajoute-t-elle. Plus de 36.000 logements londoniens sont détenus par des compagnies offshore qui possèdent des propriétés dans l’ensemble de l’Angleterre et du Pays de Galles pour une valeur totale de 122 milliards de livres (154 milliards d’euros), selon un chiffre officiel.

Des demeures identifiées soit parce que leurs propriétaires ont été condamnés soit parce qu’ils sont soupçonnés de l’avoir acquis avec de l’argent sale.

Acheter un bien immobilier via ce genre de sociétés peut être une manière de dissimuler l’identité des véritables propriétaires et leur éviter ainsi de payer des impôts ou de justifier leurs revenus. Ce système est au coeur des révélations sur l’évasion fiscale, le mois dernier, des « Panama Papers » qui ont éclaboussé le Premier ministre, David Cameron, contraint d’avouer avoir détenu des parts dans la société offshore de son père Ian, décédé en 2010.

L’année dernière à Singapour, David Cameron s’était engagé à faire cesser le blanchiment d’argent dans l’immobilier londonien, affirmant qu’il n’y avait « pas de place pour l’argent sale en Grande-Bretagne ». Décidé à montrer l’exemple, le Premier ministre pourrait annoncer un train de mesures destiné à faire le ménage dans son pays en s’attaquant en premier lieu au marché immobilier londonien.

Pour Eleanor Nichol, de l’ONG Global Witness, « les propositions du gouvernement sur la transparence en matière de propriété immobilière pourraient signifier qu’il n’est désormais plus possible de posséder secrètement un bien au Royaume-Uni ».

Entre 2004 et 2014, des enquêtes ont été menées concernant des biens immobiliers valant au total plus de 180 millions de livres qui étaient soupçonnés d’être liés à de la corruption, selon l’ONG Transparency International qui estime qu’il ne s’agit là que « de la partie émergée de l’iceberg ». « Le Royaume-Uni est devenu Monaco dans le brouillard », a résumé Luke Harding, un journaliste du Guardian qui a aidé à analyser les « Panama Papers » et participe à la visite. Ces documents « révèlent une vérité fondamentale (…), celle que les riches du monde ont cessé de payer des impôts depuis un long moment », a-t-il ajouté.

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