La France construit beaucoup plus que ne le disent les statistiques, et depuis 2004, le seuil de 400 000 logements mis en chantier a même été franchi à sept reprises.

Des logements « fantômes » par centaines de milliers, bien réels, mais oubliés par les statistiques : depuis des années, les chiffres officiels de la construction s’éloignaient de la réalité, a admis le ministère du Logement, qui a mis au point une nouvelle méthode statistique.

La France construit beaucoup plus que ne le disent les statistiques, et depuis 2004, le seuil de 400 000 logements mis en chantier a même été franchi à sept reprises, avec un pic à 493 900 en 2006, selon les nouveaux calculs du ministère.

En 2014, qui apparaissait comme le pire cru depuis 17 ans, ce sont en fait 356 200 logements qui ont vu leur construction débuter, 58 600 de plus qu’initialement annoncé. Les logements non comptabilisés jusqu’ici s’élèvent ainsi à 69 900 en 2013, 52 400 en 2012, 68 900 en 2010 et curieusement… seulement 1 500 en 2011.

Au total, depuis 2000, le déficit est de 346 000 logements, dit le ministère.

Certains professionnels s’en doutaient de longue date, sans pouvoir avancer de chiffres. « Depuis plusieurs années à la Fédération française du bâtiment, nous disions que les statistiques officielles ne concordaient plus avec nos carnets de commande de gros oeuvre, la consommation des volumes de matériaux, le niveau des crédits immobiliers… », dit à l’AFP Jacques Chanut, président de la FFB. « Nous savions depuis longtemps que ces chiffres étaient très fragiles, et l’idée que la construction était sous-estimée était assez répandue », renchérit l’urbaniste Jean-Claude Driant.

Christian Louis-Victor, président de l’Union des maisons françaises, voyait lui aussi des « distorsions » entre réalité et statistiques. « Nous n’avons pas constaté de multiplication des dépôts de bilan chez nos adhérents.

Le marché de la maison individuelle a reculé de 4 % l’an dernier, ce n’est pas l’effondrement prédit par certains », dit-il.

  • Tendance toujours baissière

En 2010, un rapport du Conseil national de l’information statistique (Cnis) soulignait la « situation délicate » due selon lui à la négligence des demandeurs de permis de construire (promoteurs, particuliers, bailleurs sociaux). Faute de sanction, ceux-ci « omettent fréquemment » au début des travaux, de s’acquitter de l’obligation de déclarer l’ouverture de leur chantier, selon la Cnis. Transmises parfois avec retard, recensées par l’administration avec une célérité très inégale d’une région à l’autre, ces données reflétaient de moins en moins les mises en chantier en temps réel.

Depuis 2007, Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Aquitaine ont connu des « trous de collecte », selon le ministère. Parfois dus à l’absence prolongée du fonctionnaire chargé de compiler les chiffres, selon une source informée. Une situation pour le moins problématique, car cette statistique est suivie de près tant par les professionnels, que les collectivités locales, ou les banques.

« A force de mesures d’économie, les moyens des services locaux de l’Etat sont de plus en plus insuffisants, ce qui dégrade l’information publique : c’est préoccupant », estime Frédéric Paul, directeur général de l’Union sociale de l’habitat (USH) qui coiffe 750 bailleurs sociaux.

Désormais, dit le ministère, les chiffres seront calculés à l’aide d’un modèle statistique fiable, complétés par des enquêtes annuelles et croisés avec d’autres paramètres (taux d’intérêt, moral des ménages…).

Pour améliorer la remontée des données, le ministère réfléchit à lier des recettes versées aux collectivités locales (les aides aux maires bâtisseurs) à la qualité des informations sur la construction transmises par celles-ci.

Ces nouvelles statistiques étonnent toutefois certains professionnels. Elles « montrent une stabilité de la production de logements collectifs de 2010 à 2014. Cela ne correspond pas à ce que nous vivons sur le terrain : depuis deux ou trois ans, nous avons lancé moins de chantiers », note François Payelle, qui préside la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

« Perplexe », M. Payelle réfute toute négligence des promoteurs vis-à-vis de la déclaration d’ouverture de chantier, une « obligation au regard des assurances et des contrôles d’hygiène et de sécurité ». Le document est nécessaire à l’enregistrement d’une vente chez le notaire, rappelle-t-il.

Nouveaux chiffres ou pas, la tendance demeure baissière. « Il y a bien une crise du logement neuf et pour résorber le déficit d’un million de logements (…), il faudrait en construire 500 000 par an pendant dix ans », estime M. Chanut. « La priorité reste la relance du logement et de la construction », assure-t-on au ministère.

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