Acquérir un bien immobilier ayant appartenu à une célébrité flatte l'ego des acheteurs, attire les curieux, et peut faire flamber les prix... sans être pour autant synonyme de bon placement.

  • Les murs ont-ils une mémoire ?

Dans l’univers feutré du marché des biens « de prestige », les transactions se chiffrent en millions d’euros. Discrétion oblige, l’identité des vendeurs n’apparaît jamais sur les pages des catalogues en papier glacé. Mais il en va autrement lors des visites : opportunément glissé à l’oreille de potentiels acheteurs, le nom du propriétaire, Yves Saint Laurent, Kenzo, Edith Piaf ou Aimé Guerlain, peut susciter un fort engouement et se muer en argument de vente, expliquent ces intermédiaires.

« Nous disons à nos vendeurs :  N’hésitez pas à dire que c’est l’appartement de Michel Sardou, car certaines personnes recherchent ce type de biens. Elles sont flattées, elles trouvent merveilleux de vivre dans des murs qui ont une histoire », rapporte Nathalie Garcin, qui co-dirige le groupe familial Emile Garcin, spécialiste de « l’immobilier remarquable ».

Parmi ses mandats récents figure l’appartement du populaire chanteur français, la maison dans le Lubéron du compositeur Pierre Boulez, à l’architecture très contemporaine, ou encore le pied-à-terre parisien de l’actrice italo-américaine Isabella Rossellini. Des photos de ses parents, Ingrid Bergman et Roberto Rossellini, des souvenirs de tournages de celle qui fut la muse de David Lynch et Vincente Minnelli, confèrent un charme particulier à cet appartement bourgeois de 173 m², mis en vente à 2,7 millions d’euros. « Mais je ne laisse pas les clients s’attarder sur la vie privée de la personne. Et il faut aussi écarter les curieux, nous ne sommes pas là pour faire visiter un musée », dit le vendeur Maurizio Gianninoni.

  • Le poisson ne mord pas toujours à l’hameçon

Au fil des années, celui-ci a développé une méthode personnelle pour dépister les intrus, « des mythomanes qui racontent leur vie, prétendent porter un nom connu : grâce à mes contacts, je sais tout de suite si c’est vrai ou pas ». « Chacun suit son instinct. Moi, si je vois quelqu’un avec des chaussures neuves, je sais que ce n’est pas un bon acheteur », confie M. Gianninoni.

Le succès rencontré par les biens « ayant appartenu à » a même poussé certaines célébrités à se lancer dans un très lucratif « business » : la réfection de biens en mauvais état mais à gros potentiel, revendus, une fois remis à neuf et redécorés, avec une confortable plus-value… en partie liée à leur nom, explique un spécialiste. « Un appartement qui vaut 4 millions d’euros sera ainsi vendu 4,5 millions : ce n’est pas négligeable », dit-il. Une prime que l’acquéreur ne récupèrera pas toujours à la revente du bien.

Il arrive aussi que le poisson ne morde pas à l’hameçon : l’appartement surestimé ne trouve pas preneur. On laisse alors « mûrir » les choses : au fil des mois, le vendeur retrouve la raison.

  • Certaines célébrités produisent un effet inverse

Elles repoussent les acheteurs. « Piaf, Kenzo, Guerlain, Derain, Maurice Chevalier… ces noms sont entrés dans l’histoire, la culture françaises », dit Charles Marie Jottras, président de la société spécialisée Daniel Féau, qui s’est vu confier la vente de biens ayant appartenu à ces personnalités. Mais quand il s’agit d’un pur people, neuf clients intéressés sur dix passeront leur chemin. Ils ne veulent pas attirer l’attention sur eux ».

En vente depuis des mois, la belle demeure de l’attaquant vedette du PSG Zlatan Ibrahimovic, à Malmö en Suède, peine ainsi à trouver preneur. Il en va de même pour l’hôtel particulier parisien de Gérard Depardieu, en vente depuis un an au prix très élevé de 50 millions d’euros : la vive polémique suscitée par l’exil fiscal de l’acteur a effarouché une partie des acquéreurs potentiels, en particulier français.

« Aux Etats-Unis, c’est l’inverse : les stars comme Robert Redford ou Tom Hanks sont fières qu’on parle de la vente de leur maison à Beverly Hills, du montant de leur plus-value… », soupire Charles Marie Jottras. « Nos clients, eux, détestent ça… »

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