De plus en plus de particuliers renégocient leur crédit immobilier, pour profiter de taux historiquement bas, allégeant ainsi leurs mensualités de remboursement, ce qui n'enchante pas les établissements bancaires, contraints de rogner leurs marges.
« Après un an sans discontinu, la baisse des taux de crédit immobilier ne fléchit toujours pas« , observe le courtier Empruntis. Si le taux moyen sur 20 ans s’établit à 2,29 %, avec « un bon dossier » il tombe à 1,69 % et 1,50 % sur 15 ans, « du jamais vu ».
Toutefois, depuis fin avril, la remontée aux alentours de 1 % sur le marché obligataire, du taux d’emprunt à 10 ans de la France (OAT), référence pour les emprunts à taux fixe des particuliers, suscite l’inquiétude. Une remontée sensible des taux ne semble toutefois pas d’actualité. Car en garantissant aux banques un accès facilité et à bas coût aux liquidités depuis mars, la Banque centrale européenne (BCE) devrait garantir des taux de crédit immobilier encore très bas dans les mois à venir.
« Dans 8 cas sur 10, les gens optent pour une baisse de mensualité » et non pour « un raccourcissement de la durée du prêt : ils y voient un moyen de gagner du pouvoir d’achat », constate Maël Bernier, directrice de la communication de meilleurtaux. Et l’opération peut se révéler rentable – même pour un prêt très récent – si la somme à rembourser dépasse 70 000 euros. Seuls une perte d’emploi ou une chute de revenus privent le particulier de son pouvoir de négociation.
Les banques sont du coup confrontées à « un flux de demandes de financement très important », note Cécile Roquelaure, responsable chez Empruntis. Depuis début 2015, « plus d’une demande de crédit sur deux concerne une renégociation de crédit immobilier.
Les banques traînent les pieds
« Mais la concurrence est rude » entre banques, souligne Mme Roquelaure. « Celles qui n’avaient pas été suffisamment ‘agressives’ revoient leur politique en cours d’année pour ne pas perdre de part de marché ».
« Lorsque vous voulez renégocier votre crédit immobilier, votre premier réflexe est de vous adresser à votre banque, or celle-ci va vous répondre qu’elle n’est pas obligée de le faire », pointe Olivier Gayraud, juriste de l’association de consommateurs CLCV. « Et quand elle accepte de vous faire une proposition, elle est sans commune mesure avec les taux en vigueur sur le marché. Pour profiter des taux en vigueur aujourd’hui, il faut changer de banque« , dit-il.
« Dans la majorité des cas, les banques préfèrent encore perdre un client », que d’offrir un taux compétitif renchérit Maël Bernier, leurs contre-propositions étant « quasiment jamais à la hauteur de la concurrence ». Prises d’assaut par leurs clients, les banques traînent les pieds – et encaissent des indemnités de remboursement anticipé – car l’opération leur fait perdre de l’argent.
« Une telle opération n’est pas forcément intéressante pour la banque, d’un point de vue strictement financier », euphémise un dirigeant de banque. « Mais elle s’inscrit dans le cadre d’une relation de long terme, donc nous faisons des efforts », assure-t-il sous couvert d’anonymat. Pour un autre responsable bancaire, « le souci, c’est que quand les crédits avaient un taux à 4 %, on s’endettait à 3 % et on prêtait l’argent. Le client, maintenant, demande 2 % et on perd notre marge ».
Toutefois nombre de particuliers hésitent à changer de banque, rebutés par les transferts de prélèvements et virements à effectuer, bien que la nouvelle banque doive s’en charger, dans le cadre du service d’aide à la mobilité bancaire.