C'est la priorité de la Fondation abbé Pierre pour le logement. Qui craint une vraie fracture, avec une région à deux vitesses. Elle faisait son point annuel, hier à Saint-Malo.
Deux fois plus d’expulsions
Les expulsions locatives viennent de reprendre, cette semaine, après la trêve hivernale. « Elles ont doublé en dix ans : 40 000 chaque année, dont 13 000 par les forces de l’ordre », constate Christophe Robert, délégué général de la Fondation abbé Pierre pour le logement des défavorisés. Effet ciseau : baisse des ressources des ménages les plus fragiles contre hausse du prix des logements et des charges. De quoi appeler à « un moratoire contre les expulsions. » La future loi Dufflot 2 sur le logement social, examinée en juin, l’interroge. Contiendra-t-elle une « vraie politique foncière ? Une vraie régulation des loyers ? Une vraie garantie des risques locatifs ? » Mais, même si la TVA sur le logement social vient de retomber de 7 % à 5 %, Christophe Robert reste sceptique face à l’ambition gouvernementale « de 150 000 nouveaux logements sociaux par an… »
La Bretagne bascule
La Bretagne, longtemps relativement épargnée par le mal logement, « est en train de basculer », alerte Stéphane Martin, directeur Bretagne. Avec la conjugaison d’une démographie croissante, de la hausse des familles monoparentales et de la baisse de la production de logements neufs, « au plus bas depuis 2004 : 20 000 par, quand il en faudrait 29 000 ».
Simultanément, la population bretonne « s’appauvrit » : un Breton sur dix a moins de 924 €/mois pour vivre (le seuil de pauvreté) et « 70 % des Bretons devraient avoir droit à une HLM ». Malgré les efforts des collectivités locales, depuis le désengagement de l’État, la Bretagne manque de logements sociaux : 50 000 demandes restent en souffrance. « On est en train de créer une Bretagne à deux vitesses » : en ville, les populations aisées, au-delà les plus pauvres. C’est un enjeu d’aménagement du territoire et, plus encore, « de cohésion sociale et de solidarité ».
Le mirage des PLS
Attention à l’effet trompeur du prêt locatif social (PLS). « Du faux logement social, c’est la grande dérive de ces dix dernières années », accuse Christophe Robert. Ce sont des logements aux prix beaucoup trop élevés, « en moyenne 650 €/mois, sans les charges. Ce qui nécessite un salaire d’au moins 2 000 €… C’est une tromperie. » La Fondation appelle d’autant plus à la vigilance sur ce type de produits que « sur 150 000 logements produits chaque année en France, 48 000 sont des PLS… Un tiers ! »
Priorité à l’habitat indigne
Le chantier prioritaire en Bretagne reste « l’habitat indigne » pour la santé ou la sécurité. Selon la Direction régionale de l’équipement, de l’aménagement et du logement (Dreal), la Bretagne compterait « 75 000 logements indignes, dont 27 000 logements insalubres ». Particulièrement dans le Centre-Bretagne, souvent auprès de populations âgées, isolées aux faibles ressources, qui n’ont pas les moyens d’entretenir leur logement. Mais il y a aussi tous ces jeunes ménages, souhaitant devenir propriétaires, chassés hors des villes par les prix et le foncier, qui achètent un logement dégradé avec l’ambition de le retaper peu à peu. « Ils n’y arrivent pas, le logement devient insalubre. » La Fondation constate ces scénarios, « y compris dans le centre-ville de Rennes et de Brest ».
Ces cas critiques peuvent obtenir des aides, encore faut-il les connaître. Pour mieux les détecter, la Fondation a besoin « de relais » et compte sur l’appui des élus locaux, des personnels de santé et de proximité.