Les Trois petits cochons, au XXIè siècle, se réfugieraient peut-être dans la maison en paille pour échapper au loup : solide, résistante au feu et écologique, elle séduit en tous cas de plus en plus de Français.
L’Hexagone compte « 3 000 bâtiments en paille » et « il s’en construit 300 par an, dont des édifices accueillant du public », se félicite Luc Floissac, conseiller en construction, chercheur à l’école d’architecture de Toulouse et porte-parole du Réseau français de la construction en paille (RFCP).
« Quand un chantier de maison en paille s’ouvre, il y en a 10 autres qui commencent dans les 10 ans qui suivent, c’est exponentiel ! », renchérit Hervé Galès, maître-d’oeuvre et formateur en écohabitat à Messac (Ille-et-Vilaine).
Légère, biodégradable, renouvelable et provenant de filières locales, la paille détient, selon ses promoteurs, la palme du bilan environnemental des matériaux de construction. « Si on construisait 500 000 logements en paille par an, il ne faudrait que 10 à 15 % de la paille produite en France », avance Luc Floissac.
Sensible à l’humidité et aussi chère que des matériaux classiques lorsqu’elle est posée par des professionnels, la paille présente l’avantage d’être un bon isolant. Contrairement à la fable, elle a « une tenue classique au vent » et résiste aux flammes car les bottes, compressées, contiennent peu d’oxygène : « des feuilles froissées brûlent très bien mais essayez donc de brûler un bottin ! », lance Luc Floissac.
Elle est également solide : la plus ancienne maison en paille française, la « maison Feuillette », construite à Montargis (Loiret) en 1921, est toujours debout, en bon état. Le RFCP a lancé une souscription pour la racheter afin de « sauvegarder ce patrimoine unique ».
Lettres de noblesse
Longtemps ignorée des artisans, la construction en paille a été portée, dans les années 80, par une poignée d’autoconstructeurs refusant le « tout-béton », et invitant des bénévoles sur leurs chantiers pour bénéficier d’un coup de main et diffuser leur savoir-faire.
Elle vient d’obtenir ses lettres de noblesse avec la publication en juin des « Règles professionnelles » – reconnues par les professionnels du bâtiment, les autorités et les assureurs – qui devraient servir de tremplin à la filière, selon Luc Floissac, coordonnateur de l’ouvrage.
Ce dernier concerne uniquement l’utilisation de bottes de paille insérées dans une ossature bois, la technique la plus répandue en France. Ancien ingénieur reconverti dans la fabrication de blocs isolants en paille à Cherré (Sarthe), Damien de Villèle a choisi ce procédé pour lancer sa société, Isopaille, aux portes de la Beauce. Les bottes de paille, sèches et « non traitées », y sont décompactées par une machine introduisant ensuite la paille en vrac dans une presse, réglée à la « densité optimale de 75 kilogrammes par m3 », explique-t-il. Puis les ballots sont introduits manuellement dans des caissons en bois et leurs ficelles coupées pour que la paille occupe tout l’espace, un dispositif validé par le Centre scientifique et technique du bâtiment.
Une autre technique, éprouvée, existe pourtant : celles des murs porteurs en bottes de paille, empilées les unes sur les autres, née en 1880 aux Etats-Unis, mais très peu utilisée en France.
C’est que les verrous psychologiques, notamment, ont la vie dure : « quand on parle de construction en paille, c’est pas gagné : le premier truc qui vient à l’esprit c’est les Trois petits cochons. Si, en plus, vous dites qu’il n’y a pas de matériau dur qui tienne la toiture, alors là il y a un pas qui est loin d’être franchi », témoigne Pierre-Yves Jonin, un autoconstructeur qui l’a pourtant allègrement sauté, pour sa maison à Guipry (Ille-et-Vilaine).