Les habitants de logements éphémères s'inquiètent des effets de la future loi sur la sécurité Loppsi 2. Selon eux, elle permettrait de les expulser en 48 heures sans feu vert de la justice. Exemple dans le Finistère.

Sonia Picard et Hannes Müller vivent dans une yourte, à Plomeur, 3 400 habitants, dans le Sud-Finistère. Jo vit non loin, en roulotte. Patrick Bonneau dans un bus aménagé. Naïmé Boursaud, elle, loue une maison après une vie de nomade.

Ce jour-là, tous sont réunis chez Sonia et Hannes. La yourte est confortable, propre, douillette : poêle à bois, cuisine, bibliothèque, douche, toilettes sèches et même une éolienne et des panneaux solaires pour l’électricité.

À Plomeur, ils sont entre 70 et 80 personnes à vivre ainsi. Beaucoup louent un bout de champ pour une trentaine d’euros par mois. Des marginaux ? Non. La plupart travaillent : artisans, paysans, musiciens, enseignants… « On a le désir de vivre plus près de la nature. Mais les gens sont aussi poussés par la précarité, la crise du logement, les loyers prohibitifs… », explique Naïmé. Ils sont heureux. Mais jusqu’à quand ?

Où l’État placera-t-il le créneau ?

Tous sont inquiets du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2). Ce texte relatif à la criminalité et la vidéosurveillance doit être discuté à l’Assemblée nationale du 23 au 26 novembre. C’est l’article 32 ter A qui préoccupe plus particulièrement Sonia, Hannes, Jo, Patrick et Naïmé, qui militent au sein de l’association d’habitants de logements éphémères ou mobiles (Halem). « Il permettrait aux préfets d’expulser en 48 heures tout campement illicite et précaire mettant en cause la sécurité et la salubrité publique. »

Nouveauté, les autorités ne seraient plus obligées de passer par la justice. « Avant, les juges examinaient les expulsions sous tous les aspects, familiaux, humains. Là, c’est dehors manu militari ! »

Incompréhensibles pour les « nomades ». Surtout que, même si la plupart des habitations éphémères sont illicites, pour l’instant, les choses se passent plutôt bien. « Il y a une grosse tolérance des élus », affirme Naïmé.

À la préfecture du Finistère, on assure que les procédures d’expulsion ne seront pas liées à l’habitat, « mais plutôt aux conditions de vie et d’hygiène ». Reste à savoir où l’État placera le créneau. L’association Halem, qui rappelle que « cette loi a été mise en place pour faciliter l’expulsion des Roms et des gens du voyage », est persuadée que tous les habitants de logements éphémères seront visés. Au ministère de l’Intérieur, on refuse de commenter le projet de loi, « tant que les débats parlementaires sont en cours ».

Soupir de Naïmé : « Qu’on nous laisse la liberté de choisir notre mode de vie. Nous demandons un statut d’expérimentation pour s’installer dans des zones non constructibles. »

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