Le "temple de l'électricité" dé-commissionné en 1983, figure sur la couverture d'"Animals", vinyle de Pink Floyd qui a fait le tour du monde en 1977.

Après 30 ans de projets plus ou moins fantasmagoriques, la mythique Battersea Power Station (BPS) de Londres, chef d’oeuvre industriel immortalisé par les Pink Floyd, sera finalement sauvée dans le cadre d’un des plus grands chantiers de régénération urbaine au monde.

« Nous avons dépassé le point de non-retour », assure David Twohig, directeur de la conception à la BPS Development Company. Derrière lui, la maquette du site de 17 hectares en bordure de Tamise est dominée par l’ancienne centrale électrique au charbon, construite en deux phases, en 1920 puis 1930-40. Avec sa silhouette massive hérissée de quatre cheminées blanches, façon colonnes antiques, qui culminent à 100 mètres de hauteur. Au dehors, des centaines d’ouvriers s’activent, minuscules tâches jaunes fluo au pied de l’imposante cathédrale de briques ocres. « La centrale est la raison d’être du projet », insiste le jeune dirigeant d’origine irlandaise qui a fait ses classes à Hong Kong et Shanghaï.

Classé au patrimoine industriel britannique, il a servi de décor au film « Help! » des Beatles en 1965. Des scènes du film The Dark Knight, Le Chevalier noir, énièmes aventures de Batman, et du « Discours d’un roi« , y ont été tournées en 2008 et 2010. Son architecte, Giles Gilbert Scott, est aussi célèbre pour la centrale de Southwark, spectaculairement reconvertie en Tate Modern, et pour les fameuses cabines téléphoniques en fonte rouge.

  • A l’identique

Au fil des ans, des investisseurs ont rêvé de transformer la BPS en super hypermarché, en parc à thème industriel, d’en faire une enceinte géante pour le Chelsea football club voisin. D’autres prétendaient la raser.

C’est finalement un consortium emmené par le groupe malaisien SP Setia qui rachète le site pour 512 millions d’euros en 2012. L’ambition des promoteurs est de rendre à la centrale « toute sa gloire originelle ». Pour qui se tient campé entre les quatre murs d’enceinte des salles de turbines A et B à ciel ouvert, dans un espace si vaste qu’il pourrait accueillir la cathédrale Saint-Paul, l’énormité de la tâche saute aux yeux.

Un million de briques moulées à la main seront utilisées pour colmater les brèches. Les vitraux, balcons, portes en bronze doré, rampes en fer forgé, mosaïques, revêtements en marbre italien et autres éléments art déco seront réhabilités. La salle de contrôle aux innombrables cadrans sera préservée pour accueillir diverses manifestations, dont des défilés de mode.

Des experts ont entrepris de démonter les cheminées fissurées, avant de les reconstruire à l’identique. Il en ira de même des carcasses rouillées de deux gigantesques grues jadis utilisées pour décharger le charbon acheminé par péniches. La Battersea Power Station transfigurée abritera trois niveaux de commerces avec un hôtel et un cinéma; six étages de bureaux paysagers; 250 appartements de grand standing.

  • L’effet waouh

Les promoteurs évoquent « l’effet waouh ». « Il s’agit de construire une ville dans la ville« , souligne M. Twohig. Pas une cité-dortoir. « Un complexe mixte, moitié résidentiel et moitié professionnel » qui prendra progressivement vie entre 2015 et 2025.

Au total, la Battersea Power Station development company entend créer 4000 logements, dont 1350 signés par les architectes Norman Foster et Franck Gehry, 150 000 m² de bureaux, 325 000 m² de commerces, des restaurants, un parc public… La construction à 500 mètres à vol d’oiseau de la futuriste ambassade américaine a contribué à emporter le morceau : deux nouvelles stations de métro permettront bientôt de relier le centre en quelques minutes.

Le budget global est estimé à 8 milliards de livres (10 milliards d’euros). Il est colossal, même à l’aune de Londres, où 237 tours de plus de 20 étages sont en cours de construction ou prévues, promettant un bouleversement du paysage. Tony Travers, expert à la London School of Economics évoque une « Hong-kongification » de la capitale.

Fin octobre, une offensive marketing éclair est prévue dans les principales métropoles asiatiques, aux Etats-Unis, dans les pays du Golfe et à Paris, Milan, pour vendre une nouvelle tranche d’appartements et attirer « les meilleures enseignes du monde ». Les premiers studios à 600 000 euros et quatre pièces à 4 millions sont partis en un rien de temps. L’heureux acquéreur d’un penthouse au sommet de la centrale devra débourser la modique somme de 13 millions.

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