Le délabrement du bâtiment et de l'immobilier est du à un matraquage foncier et une incertitude économique.

Le bâtiment est mort, la crise a tout détruit », diagnostique Kostas P., entrepreneur à Athènes depuis 20 ans, qui préfère que son nom ne soit pas cité parce qu’il a « déjà suffisamment d’ennuis » avec les banques.

« La récession et l’imposition brutale sur le foncier ont fait fondre le secteur… On oublie les permis de construire, on ne fait plus que de la rénovation », poursuit ce quinquagénaire qui vient de fermer un point de vente en gros de matériaux de construction.

Avec un chiffre d’affaires annuel de 2,5 millions d’euros avant l’éclosion de la crise de la dette en 2010, Kostas P. avait décroché un prêt bancaire pour l’achat d’un bâtiment de trois étages, à Athènes. « Aujourd’hui, personne ne veut ni l’acheter ni le vendre, et je supplie la banque de le mettre aux enchères pour rembourser mes dettes ! »

  • Chute de l’activité

Chaque nouvelle statistique ou donnée concernant le bâtiment et l’immobilier en Grèce attestent du délabrement vertigineux du secteur.

Depuis 2010, plus de 185.000 emplois du bâtiment, soit environ la moitié du total, ont disparu. L’activité a chuté de 44 % sur un an, selon les chiffres du service des statistiques grecques (Elstat) arrêtés au premier trimestre. Le marché immobilier est lui « au point zéro » avec des transactions rarissimes, malgré une dégringolade « de plus de 30 % des prix sur les trois dernières années », déplore Stratos Paradias, président de l’Union grecque des propriétaires de biens immobiliers (POMIDA).

  • Un matraquage fiscal

Le phénomène s’explique selon lui à la fois par « le matraquage fiscal sur le foncier imposé par la troïka des créanciers (UE-BCE-FMI), et par l’incertitude sur l’état de l’économie ».

Jusqu’en 2011, les petits propriétaires étaient exemptés d’impôt foncier. Depuis, la taxe foncière s’applique à tous, calculée sur une valeur estimée du bien que les propriétaires contestent, du fait de la baisse continue des prix. Un projet de loi du gouvernement visant à étendre l’imposition sur les terres agricoles, jusqu’ici épargnées, provoque déjà un tollé dans un pays où 80 % des habitants sont propriétaires, un des taux les plus élevés d’Europe.

  • Des étrangers timides

« Investir dans l’immobilier est une tradition chez les Grecs. C’est considéré comme une garantie sociale face aux défaillances de l’Etat providence qui disparaît progressivement, condamnant de nombreuses familles à l’insécurité », rappelle M. Paradias.

« Certains contribuables pris à la gorge en sont arrivés à donner leurs biens, ils s’en débarrassent », ajoute-t-il. Selon une enquête du syndicat du privé GSEE, 75 % des emprunts immobiliers accusent des retards de remboursement, ce qui représente un trou de 65 milliards d’euros.

Le problème concerne surtout les biens urbains, en premier lieu à Athènes (44 %). Pour protéger les propriétaires incapables de rembourser leurs prêts du fait de la crise et des réductions de salaires, une mesure sociale a été adoptée en 2010, valable jusqu’à la fin 2013 : elle impose le gel des ventes aux enchères d’habitations faisant l’objet d’hypothèques sur des prêts immobiliers. Mais la levée de cette disposition, prévue pour début 2014, provoque un vif débat. Les spécialistes craignant ainsi qu’elle entraine un nouvel écroulement du marché, du fait de la baisse de la demande.

Actuellement, 250.000 bâtiments neufs ne trouvent pas acheteur, selon la presse spécialisée. Et malgré l’aubaine des prix bas, même les investisseurs étrangers se montrent timides, car « ils attendent le rétablissement de l’économie », estime l’économiste et chercheur Christos Galanos.

« Le gouvernement aurait dû intervenir à l’époque de l’envolée des prix, avant 2009, et ne pas laisser gonfler la bulle immobilière, au bénéfice des banques. Lorsque la crise est arrivée, il n’était pas prêt à gérer la chute libre des prix », note M. Galanos.

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