Combien, qui, comment : les expulsions locatives reprennent dès mardi 6H00, après une trêve de cinq mois qui avait mis à l'abri les ménages poursuivis pour impayés.
Question : Combien d’expulsions par an ?
Réponse : En 2012, plus de 115.000 familles ont fait l’objet d’une décision judiciaire d’expulsion (+ 37% en dix ans) pour impayés locatifs, selon la Fondation Abbé Pierre. Environ 13.000, selon les estimations, ont abouti à une expulsion effective. Au total, la Fondation juge que près de 50.000 ménages quittent leur logement chaque année pour impayés, une majorité abandonnant les lieux avant l’expulsion, par honte ou pression du propriétaire. Un phénomène constaté par les huissiers : « Deux tiers des dossiers d’expulsion se terminent par des départs volontaires », selon Philippe Bourgeac, huissier à Paris.
Q : Qui sont ces expulsés pour impayés ?
R : En majorité des personnes aux revenus modestes qui connaissent un accident de vie (perte d’emploi, séparation, santé), selon la Confédération nationale du Logement. Les mauvais payeurs, qui profitent du système, existent mais ils ne sont pas majoritaires, confirme Patrick Sannino, président de la Chambre nationale des huissiers de justice.
Q : Qui sont les propriétaires ?
R : Des propriétaires privés ou publics (bailleurs sociaux). Les propriétaires privés ne sont pas forcément riches, souligne Jean Perrin, président de l’Union nationale de la propriété immobilière: « Il y a des artisans, commerçants, agriculteurs, pour qui la location d’un logement constitue un complément de revenus à la retraite. Ils ont besoin de ce loyer pour vivre et rembourser leurs emprunts. »
Certains propriétaires spéculent, donnant congés aux locataires pour revendre l’appartement, selon l’Association des comités de défense des locataires.
Q : Comment se passe une procédure d’expulsion ?
R : L’expulsion ne peut avoir lieu qu’après une décision judiciaire, et seulement du 1er avril au 30 octobre, entre 6H00 et 21H00. Le propriétaire qui procède lui-même à l’éviction de son locataire est passible de trois ans de prison et 30 000 euros d’amende. Lorsqu’un locataire ne paye plus son loyer, le propriétaire doit lui adresser par huissier un « commandement à payer ». Au bout de deux mois, le propriétaire peut saisir le tribunal d’instance.
Si le juge décide de l’expulsion – il peut accorder un délai de 3 mois à 3 ans -, le jugement est porté à la connaissance du locataire par l’huissier qui lui remet « un commandement à quitter les lieux », avec deux mois de délai.
S’il ne part pas, l’huissier demande au préfet le recours à la force publique. Après avoir étudié la situation sociale du locataire, le préfet peut accepter ou non, mais aussi accorder un délai. « Il n’est pas rare qu’il octroie un délai jusqu’à la fin de l’année scolaire lorsqu’il y a des enfants », explique Philippe Bourjeac. Les familles reconnues prioritaires DALO (droit au logement opposable) ne peuvent être expulsées sans relogement.
Q : Comment se déroule l’expulsion ?
R : Après autorisation de la force publique, la date est décidée avec les forces de l’ordre. Un avis est envoyé au locataire. S’il n’a pas organisé son déménagement, ses meubles sont placés le jour J dans un garde-meuble ou laissés sur place (il devra contacter l’huissier pour les récupérer). Le locataire emporte avec lui des affaires et la serrure est changée. Le délai entre le premier loyer impayé et l’expulsion est en moyenne de 15 mois, selon la Chambre nationale des huissiers de justice.
Q : Un locataire expulsé se retrouve-t-il à la rue ?
R : Oui, disent les associations. S’il n’a pas retrouvé de logement ou trouvé refuge chez des proches, il peut aller en centre d’hébergement d’urgence ou à l’hôtel. Les enfants peuvent être placés en foyer. Les centres d’hébergements étant saturés, ils peuvent se retrouver à la rue. 30% des SDF le sont à la suite d’une expulsion, selon la Fondation Abbé Pierre.
Pour Jean Perrin (UNPI), « les préfets n’accordent pas le recours à la force publique si aucune solution de relogement n’a été trouvée ».