La proximité d'un site industriel dangereux fait-elle baisser le prix d'un bien immobilier ?
Pas forcément, car plus que le risque réel, c’est la perception qu’en ont les riverains qui influence le marché, selon une étude publiée par l’Insee.
Deux jeunes économistes, Céline Grislain-Letrémy et Arthur Katossky, ont tenté d’évaluer les corrélations existant entre « Les risques industriels et les prix du logement« , titre de leur article mis en ligne le 21 novembre.
Nombre d’études publiées dans des revues internationales ont démontré que « l’exposition aux risques ou aux pollutions industriels diminue le prix des logements« , rappellent les auteurs en préambule.
Or, en France, de nombreuses installations industrielles sont entourées d’une forte densité de population. En étudiant de près le marché immobilier de la périphérie de trois agglomérations : Bordeaux, Dunkerque et Rouen, il est apparu aux deux économistes que les écarts des prix n’y avaient été modifiés « ni par les incidents locaux, ni par la catastrophe d’AZF », l’explosion de l’usine chimique toulousaine de Grande Paroisse (groupe Total) qui avait fait 31 morts en 2001. Ni la mise en place en 2003, par la loi dite Bachelot, du régime d’assurance des catastrophes technologiques, ni les dispositifs d’information – qui auraient pu marquer une prise de conscience du risque -, n’ont semblé avoir d’effet non plus.
Sur deux des trois sites étudiés, les installations chimiques et pétrochimiques sont « bien visibles et clairement identifiées par les habitants comme des industries dangereuses » : il s’agit des ports industriels de Dunkerque et Rouen – notamment la raffinerie de Petit-Couronne, dont la liquidation a été médiatisée – , rapporte l’étude. Toutefois la présence de la centrale nucléaire de Gravelines, à 18 km de Dunkerque, peut « occulter l’importance » de ces risques.
Ainsi à Dunkerque comme à Rouen, la proximité des usines joue fortement sur les prix : un éloignement additionnel de 100 mètres d’une installation dangereuse augmente le prix d’environ 1 % à la périphérie de l’une, de 1,5 % autour de l’autre, ont constaté les économistes. Il semblerait donc que « ces prix reflètent déjà le risque industriel, tel que perçu par les ménages ».
A l’opposé, la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles, dans l’agglomération bordelaise, « n’est pas forcément vécue comme dangereuse par ses riverains« , notamment du fait de ses « abords verdoyants » et de sa vaste superficie (350 hectares). « Le risque est perçu comme contenu à l’intérieur du complexe industriel » et seul « le transport de matières dangereuses sur un trajet limité » est identifié par les habitants comme « une nuisance associée au risque industriel », note l’étude.
Ainsi la proximité de la poudrerie fait même augmenter le prix du logement, « probablement parce que les alentours de l’usine sont caractérisés par un cadre verdoyant et particulièrement calme », avancent les économistes.
Une étude publiée en 2003 par un professeur d’économie américain Jeff Anstine avait déjà montré que « le risque industriel, s’il n’est pas visible, perçu par des odeurs ou par une pollution de l’air, n’affecte pas les prix de l’immobilier ».