Les ménages modestes ont des difficultés à accéder à la propriété en dépit de conditions de crédit historiquement favorables, en raison de prix élevés et de mesures pénalisantes, estiment les professionnels du secteur.
« Il y a cinq ans, les primo-accédants représentaient encore 40 % des transactions en France : aujourd’hui, c’est à peine un tiers », souligne Fabrice Abraham, directeur général du réseau d’agences immobilières Guy Hoquet. La flambée des prix immobiliers, de 40 % sur la décennie écoulée, a favorisé les ménages déjà propriétaires de leur logement, près de six Français sur dix (57 %) : la valeur de leur patrimoine augmentant, ces « secondo-accédants » ont pu bénéficier d’un meilleur apport. Du coup, s’est constitué un « marché à deux vitesses », déclare M. Abraham à l’AFP. « A Paris et dans les marchés très tendus, les primo-accédants ont quasiment disparu. Et en province, le marché est devenu une centrifugeuse, qui les écarte des villes, les poussant en première ou deuxième périphérie », note-t-il.
Le courtier en prêts immobilier Immoprêt compte 70 % de primo-accédants dans sa clientèle, des acquéreurs plutôt jeunes (31 ans en moyenne) aux revenus modestes (2.300 euros) et au budget moyen de 167.700 euros. Son fondateur, Ulrich Maurel, constate que sur la primo-accession, les prix « ne baissent pas du tout, voire montent, parce que l’offre se raréfie ».
Ainsi à Toulouse, Bordeaux ou Nantes, « qui ont une forte attractivité, une dynamique d’emploi très présente, la demande est extrêmement soutenue : les primo-accédants trouvent très peu d’offres ».
Plus généralement dans les agglomérations de province, « trouver une première maison aux alentours de 120.000 euros est très compliqué : quand il y en a, elles s’arrachent, ce qui fait monter les prix », relève-t-il également.
L’immobilier neuf devenu ‘inabordable’
Autre difficulté, pointée par les notaires de France : dans le neuf, les ménages les plus modestes ont été confrontés à une « forte hausse du prix de construction, en raison de l’intégration de nouvelles normes« , dont la réglementation thermique 2012.
De son côté, le Syndicat national des aménageurs lotisseurs (Snal), qui regroupe quelque 300 professionnels du terrain à bâtir, note une « chute dramatique » de la « primo-accession sociale », l’attribuant notamment à un affaiblissement du soutien de l’Etat.
« Le prêt à taux zéro (PTZ) mis en place il y a quelques années était un outil fabuleux pour les jeunes ménages, car il était assimilé à un apport personnel », explique à l’AFP Roger Bélier, président du Snal. « Mais il a été recentré sur le neuf, et le primo-accédant doit aujourd’hui avoir des revenus très faibles pour bénéficier des 14 ans de différé » (pendant lesquels aucune mensualité n’est réglée par l’emprunteur, ndlr) », déplore-t-il. « Or ces ménages, aux revenus les plus faibles, n’ont pas les moyens d’acheter », estime M. Bélier.
Quelque 355.000 PTZ ont été distribués en 2011, un chiffre tombé à 80.000 l’année suivante. Il devrait être encore divisé par deux, à 42.000, cette année, pour remonter à 50.000 l’an prochain, précise le ministère du Logement. Devenu plus strict pour « bénéficier aux seuls ménages modestes qui sans lui, ne pourraient pas acheter », le dispositif sera toutefois évalué : si elles s’avèrent trop restrictives, ses modalités pourraient être modifiées, dit le ministère, qui une fois adopté le projet de loi sur le logement Alur, pourrait se pencher sur l’accession sociale à la propriété.
D’autant qu’aujourd’hui le marché du logement neuf est devenu inabordable pour nombre de primo-accédants, avec une « opération moyenne aux alentours de 200 à 210.000 euros, contre 150.000 euros dans l’ancien », rapporte M. Maurel.
Et la hausse des droits de mutation – communément appelés « frais de notaire » – pénalise là encore, les plus modestes : le gouvernement a accordé aux départements la possibilité de les porter à 4,5 % (contre 3,8 %). Enfin, si les taux de crédit immobiliers sont toujours à un plus bas historique, à 3,07 % en moyenne en octobre (observatoire Crédit Logement/CSA), près d’une banque sur dix a relevé ses marges et resserré ses critères d’octroi de crédits, selon la Banque de France.