Depuis le 1er janvier, une banque peut exiger la domiciliation de vos revenus pendant dix ans en échange d'un avantage sur le prêt immobilier.
En principe, pour obtenir un prêt immobilier, il faut justifier de revenus suffisants et souscrire une assurance-emprunteur. Depuis quelques années, certaines banques avaient pris l’habitude de conditionner l’accord de prêt à une domiciliation des revenus.
Cette clause impose aux emprunteurs de verser leurs salaires sur un compte, en quittant si besoin leur ancienne banque. Une façon pour les établissements bancaires de s’assurer de la fidélité de leurs clients pendant toute la durée du prêt.
En 2004, la commission des clauses abusives recommandait – dans un avis non-contraignant – de supprimer des contrats toute clause de domiciliation de revenus ne prévoyant « aucune contrepartie individualisée ». Une ordonnance du 1er juin 2017 est venue clarifier cette pratique. Elle est applicable depuis le 1er janvier.
Que dit cette ordonnance ?
Désormais, tout nouveau souscripteur de prêt immobilier peut se voir imposer de verser l’ensemble de ses revenus chez le prêteur.
En échange de cette obligation de domiciliation, le client se verra attribuer un avantage individualisé. La nature de cette contrepartie devra être précisée dans l’offre de prêt.
Le plus souvent, elle prendra la forme d’un taux de crédit préférentiel ou d’une réduction sur les frais de dossier ou les frais bancaires. La domiciliation de revenus est également limitée dans le temps : dix ans maximum. L’avantage tarifaire obtenu reste acquis jusqu’à la fin du prêt si le client respecte ses engagements.
Si l’emprunteur change de crémerie avant dix ans, la banque sera autorisée à revoir l’avantage (relever le taux réduit par exemple).
Qui est concerné ?
L’encadrement de la domiciliation des revenus ne s’applique qu’aux offres de prêt émises depuis le 1er janvier 2018 et à leurs éventuels avenants. Le point de départ des dix ans court à compter de « la conclusion du contrat de crédit », autrement dit à partir de la signature.
Faut-il s’en réjouir ?
Jusqu’ici, l’absence de réglementation sur les clauses de domiciliation profitait plutôt aux consommateurs. Quelques banques seulement imposaient cette pratique dans leur contrat en échange d’un prêt immobilier. Et quand un emprunteur choisissait malgré tout de prendre le maquis, peu d’établissements appliquaient des sanctions en raison du flou juridique.
Mais cette nouvelle ordonnance change radicalement la donne pour les emprunteurs. La domiciliation des revenus est désormais gravée dans le marbre. Il est fort à parier que cette clause va se généraliser dans les offres de prêt.
Des dérives possibles ?
Certaines banques pourraient être tentées de les revoir a minima dans la mesure où la réglementation ne définit ni le montant ni le contour de ces avantages. Il suffit qu’une contrepartie, aussi minime soit-elle, figure dans l’offre de prêt pour valider la domiciliation des revenus. Pas certain que les clients y gagnent. D’autant plus que la domiciliation des revenus pendant dix ans excède la durée moyenne de détention d’un prêt immobilier (sept ans environ). Les clients sont donc contraints de rester fidèles plus longtemps.
La mobilité bancaire restreinte
Cette nouvelle réglementation vient – de fait – entraver la mobilité bancaire dont les règles avaient été pourtant assouplies par la loi Macron l’an dernier. L’association des usagers des banques (Afub) a déposé une plainte devant le Commission européenne pour non-respect du droit européen qui prône le changement de banques. Une enquête est ouverte. En attendant, l’emprunteur a tout intérêt à négocier âprement ses avantages.