Maison, immeuble, lotissement, gendarmerie, tribunal désaffecté ? Des bâtiments prestigieux ou sans le moindre intérêt. Pour rembourser une partie de sa dette, l'État vend 1 900 biens immobiliers.
Une maison forestière en Isère , un immeuble de bureaux à Gap , un lotissement avec vue imprenable sur la ville close de Concarneau , un tribunal désaffecté à Provins…
D’ici à 2014, l’État va mettre en vente près de 1 900 biens immobiliers, dont 189 dans les trois régions de l’Ouest (36 en Basse-Normandie, 84 en Pays de la Loire, 69 en Bretagne). Dans le lot, des bâtiments prestigieux ou extraordinaires et d’autres sans aucun intérêt. La refonte de la carte judiciaire, la fusion des services des Impôts et du Trésor, les restructurations des forces armées ont libéré des centaines de sites.
L’État compte tirer de ces ventes 2,2 milliards d’euros. Les acquéreurs ? Des collectivités locales – qui peuvent faire jouer leur droit de préemption – ou des privés (promoteurs, acheteurs étrangers, etc.).
Selon la Loi de finances, votée en février, 30 % de cette somme devra servir au remboursement de la dette de l’État, 70 % à acquérir des locaux plus adaptés ou à rénover les locaux existants.
Les prix des biens ne sont pas rendus publics. « Nous fixons un prix plancher, sur la base d’estimations minimales des Domaines, indique-t-on au ministère du Budget. La procédure s’effectue par appel d’offres. Si le prix plancher n’est pas atteint, la vente est repoussée. L’État a retiré 2,78 milliards d’euros des premières ventes, entre 2007 et 2011. Il y avait beaucoup de biens très prestigieux, surtout à Paris, achetés rapidement par des promoteurs privés. Les biens de la deuxième ‘vague’ seront sans doute moins prisés. »
Un couvent nantais du XVIIe siècle
Le couvent des Visitandines, datant de 1630, a été le premier de tous les bâtiments de la Défense vendu au privé après le départ de l’armée de Terre de Nantes, en 2010. La société immobilière nantaise CISF Invest a acquis l’ancien cercle mixte de garnison pour 3,9 millions d’euros.
Transformé en résidence services, ce superbe bâtiment accueillera bientôt ses quatre-vingts occupants attendus. Nouvelle étape d’une longue histoire.
François de Sales et Jeanne de Chantal fondent l’Ordre de la Visitation Sainte-Marie en 1610. En 1630, l’évêque autorise son implantation à Nantes. Les religieuses s’installent dans cette maison en fer à cheval en 1679. Un siècle plus tard, la Révolution les en chassera. Les bâtiments, devenus biens nationaux, sont gérés par la Ville qui les transforme en prison de femmes. Puis, avec les guerres de Vendée, en hôpital militaire. Le site sera ensuite successivement géré par l’armée ou par la commune.
En 1912, l’État cède le château des ducs à la Ville contre l’ensemble de la caserne de la Visitation. Des travaux de restauration des bâtiments sont entrepris par le génie militaire afin d’en faire le cercle mixte de garnison de Nantes.
Une gendarmerie à Lamballe
Deux ans que ça dure ? Deux ans que la communauté de communes de Lamballe (Côtes-d’Armor) tente de racheter aux Domaines l’ancienne gendarmerie, édifiée en 1975, et surtout ses deux hectares de terrain, laissés à l’abandon et situés à l’entrée de la ville. La demande de l’État s’élève à 1,2 millions d’euros, quand l’estimation de Lamballe Communauté tourne autour des 600 000 €. « C’est 45 fois plus cher que le prix du m² en forêt de Compiègne », compare Loïc Cauret, maire de Lamballe Communauté. L’affaire devrait néanmoins se conclure avant la fin de l’année. À la place de l’ancienne caserne pourrait voir le jour un nouveau gymnase d’environ 6 000 m².
Le fort de Chavagnac, en rade de Cherbourg
Construit au milieu du XIXe siècle, le fort de Chavagnac monte la garde sur un îlot, à l’ouest de la rade de Cherbourg. « Trente-sept pièces d’usages divers, deux plate-formes dotées de plusieurs postes de tir installées sur l’ouvrage au cours de la Seconde Guerre mondiale », précise la notice du site Internet de France Domaine. Le bâtiment de pierres et de béton est situé à environ 1,5 km du petit port de Querqueville. Dégradé, il appartient à la Marine nationale mais ne lui est plus d’aucune utilité.
Avant de pouvoir le vendre, au mieux en 2013, il faudra attendre que le ministère de la Défense atteste qu’il est libre de tout explosif ou produits dangereux. Restera ensuite à trouver un acquéreur. Pour quel projet ? Y implanter un « gîte de voile » ? En faire le décor d’une émission de télé, comme Fort Boyard ? Le maire de la commune, Jean-Michel Maghe, s’interroge. « On pourrait imaginer qu’il soit vendu avec le grand fort de Querqueville, sur la terre ferme (lui aussi propriété de la Marine). Mais pour en faire quoi ? Avec de tels sites, ce n’est d’ailleurs pas tant le prix de vente que le coût des aménagements qui pèse. »