Ton ex‑coloc est resté « quelques jours » après son préavis, un ami squatte ton canapé depuis deux mois, ou ton/ta crush estime que ta chambre d’étudiant a tout d’une résidence secondaire gratuite ? Tant que tout le monde s’entend, l’hébergement à titre gratuit ressemble à un service rendu. Mais quand l’invité refuse de quitter les lieux, la galère juridique commence. Voici la marche à suivre, sans perdre ton bail ni ta caution.

Comprendre le statut de l’« occupant sans droit ni titre »

En droit français, tu peux héberger qui tu veux sans informer le bailleur, à condition de ne pas percevoir de loyer. L’invité devient alors occupant à titre gratuit.
Le problème surgit lorsque cet invité se maintient contre ta volonté. À partir du moment ou sa présence n’est plus désirée, mais qu’il refuse de prendre congé, il devient occupant sans droit ni titre

Ni locataire, ni sous‑locataire, il n’a aucun contrat, mais tu ne peux pas simplement le mettre dehors à coups de valises sur le palier. En effet, la protection du domicile s’applique aussi à lui tant qu’il est à l’intérieur.

 

Première étape : prouver que le séjour devait être temporaire

On sait qu’il est dommage d’en arriver là, mais dans le doute, il vaut mieux toujours constituer des preuves qui, espérons-le, seront inutiles à termes.

Pour ce faire, c’est assez simple. Note‑le tout simplement noir sur blanc (SMS, mail) : « Tu peux rester jusqu’au 30 août, après j’ai besoin de récupérer mon espace ». 

Ces traces écrites seront utiles si la situation dégénère. Sans accord écrit, le juge considère parfois que l’hébergement est consenti tacitement et refuse l’expulsion immédiate.

 

Tenter la solution amiable avant l’option judiciaire

Comme pour tout conflit, la communication est toujours la première étape et permet souvent de résoudre les situations conflictuelles.

Commence par une discussion ferme, mais courtoise. Rappelle la date butoir et propose une aide pour trouver un plan B (annonces de colocation, appart de transition, liste CROUS).
Si la personne refuse, envoie‑lui une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, lui laissant huit à quinze jours pour quitter les lieux.
Ce courrier établit que l’occupation n’est plus autorisée et il est généralement suffisant pour débloquer la situation.

 

Dernier recours : saisir le juge et lancer la procédure d’expulsion

Si malheureusement, le refus persiste, la seule voie légale passe par le tribunal judiciaire du lieu de la location.
Dépose une requête d’expulsion pour occupation sans droit ni titre. Le juge convoquera les deux parties et, s’il constate la mauvaise foi de l’occupant, prononcera une ordonnance d’expulsion assortie d’un délai de départ (souvent un à deux mois).
Passé ce délai, un huissier pourra intervenir, avec le concours de la police si nécessaire, hors période de trêve hivernale (1ᵉʳ novembre‑31 mars).

 

Protéger ton bail et ta caution pendant la crise

Préviens ton propriétaire dès la mise en demeure afin de montrer ta bonne foi.
Rappelle aussi que tu ne perçois aucun loyer de l’occupant pour échapper ainsi à l’accusation de sous‑location illégale.
Tu restes, en revanche, responsable des dégâts éventuels, alors fais un état des lieux contradictoire ou des photos datées dès le départ effectif de l’occupant indésirable, pour éviter que ta caution ne serve de dédommagement surprise.

 

Que faire si l’occupant a causé des dégats ? 

 

Si tu peux prouver que les dégradations ont été commises par l’occupant indésirable (photos datées « avant/après », témoignages, constat d’huissier ou mise en demeure restée sans effet), deux scénarios se présentent :

 

1. Le propriétaire découvre les dégâts avant la restitution de ta caution

Il a le réflexe de ponctionner tout ou partie du dépôt pour financer les réparations. Tu peux :

  1. Contester la retenue en montrant tes preuves (photos datées, constat) qui établissent que les dommages sont imputables à l’occupant, pas à toi.

  2. Demander un délai pour lui fournir l’identité et les coordonnées de la personne concernée ; certains bailleurs acceptent alors de se retourner directement contre elle (rare, mais possible si l’invité est solvable et coopératif).

  3. Trouver un accord amiable : tu avances une partie des réparations, puis tu te fais rembourser par l’occupant via reconnaissance de dette.

 

2. Le propriétaire a déjà gardé la caution ou t’envoie une facture ensuite

Tu récupères (ou pas) le dépôt amputé, puis :

  1. Mise en demeure de l’occupant : envoie‑lui un courrier recommandé avec accusé de réception réclamant le remboursement intégral des sommes retenues, basé sur l’article 1240 du Code civil (responsabilité délictuelle pour dommage).

  2. Procédure amiable auprès d’un conciliateur de justice (gratuit). Si l’occupant signe un accord de remboursement échelonné, tu évites le contentieux.

  3. Assignation devant le tribunal judiciaire si la somme est importante ou si l’occupant fait la sourde oreille. Avec ton dossier de preuves (constat, mails, SMS), le juge peut le condamner à te rembourser la retenue ainsi que les frais, encore faut‑il qu’il soit solvable.

 

Quelques réflexes pour maximiser tes chances de récupération

  • Conserve tous les échanges écrits (messages où il reconnaît avoir cassé quelque chose, promesse de remboursement, etc.).

  • Chiffre précisément le coût des réparations (devis ou factures).

  • Si l’occupant est étudiant, informe‑le que la condamnation sera inscrite au fichier FICP en cas d’impayé : cela suffit parfois à débloquer un accord amiable.

En pratique, plus tes preuves sont solides et plus la somme est modeste, plus l’occupant préférera te rembourser sans passer par le tribunal. À défaut, la voie judiciaire reste ta garantie ultime pour récupérer ce qu’il t’a coûté.

 

Mini‑FAQ express

Puis‑je changer la serrure en son absence ?
Non : ce serait une violation de domicile. Même sans contrat, l’occupant est protégé tant qu’il est installé.

La police peut‑elle intervenir si l’invité refuse de partir ?
Uniquement sur décision judiciaire ou si l’occupant a pénétré chez toi par effraction (cas du squat). Sinon, la police t’orientera vers la procédure civile d’expulsion.

Et si l’occupant paie une partie des charges ?
Le versement de frais annexes (courses, électricité) ne transforme pas l’hébergement gratuit en bail, tant qu’aucun loyer formel n’est facturé. Mais conserve un maximum de preuves pour écarter toute accusation de sous‑location.

 

À retenir

Héberger gratuitement, c’est légal, mais expulser sans passer par le juge, non. 

Prépare des preuves écrites de la durée convenue, tente la discussion puis la mise en demeure, et, si besoin, saisis le tribunal pour obtenir une ordonnance d’expulsion. En parallèle, informe ton bailleur et documente l’état du logement afin de sauver ton dépôt de garantie. Ainsi, tu récupéreras ton espace (et ta tranquillité) sans transformer ta vie étudiante en feuilleton judiciaire.

Nos biens immobiliers à vendre ou à louer

Donnez votre avis et commentez cet article