Pour faire face aux difficultés actuelles rencontrées par le secteur immobilier, le gouvernement a annoncé ses ambitions ainsi qu’un certain nombre de mesures. Les demandes des professionnels ont-elles été entendues ? Ouest France Immo fait le point pour vous.
Un peu de contexte
Le 5 juin dernier, le Conseil national de la refondation du logement (CNR), lancé en novembre 2022 par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement, a fait l’objet d’une présentation en présence d’Elisabeth Borne, Première ministre, et de François Bayrou, Haut-commissaire au Plan et secrétaire général du Conseil national de la refondation du logement.
Lors de cet événement, des mesures pour le logement issues de plusieurs mois de consultation avec les acteurs du secteur ont été annoncées.
En effet, depuis novembre 2022, trois groupes de travail ont réfléchi à des mesures liées à trois objectifs principaux :
- Redonner aux Français du pouvoir d’habiter
- Réconcilier la France avec la production de nouveaux logements
- Faire du logement l’avant-garde de la transition écologique
Pendant plusieurs mois, des consultations ont eu lieu dans tout le pays, en présence d’Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement. De nombreux échanges ont eu lieu avec les acteurs de l’écosystème du logement local, les représentants locaux, les scientifiques et les chercheurs de divers domaines (y compris l’économie, l’histoire, la démographie, la géographie, la sociologie), les invités du CNR logement, les responsables territoriaux et les résidents.
Les citoyens ont également pu contribuer via la plateforme numérique dédiée au Conseil national de la refondation du logement.
Chaque groupe de travail a remis un rapport au ministre délégué à la Ville et au Logement, contenant leurs propositions respectives.
Près de 700 positionnements et propositions d’actions ont émergé des discussions des groupes de travail qui ont, in fine, retenu 200 propositions. Ces dernières ont été à la source des premières mesures proposées par le Gouvernement.
14 mesures pour lutter contre la crise du logement et anticiper l’avenir
Suite aux propositions du CNR logement, le gouvernement a donc proposé une série de 14 mesures visant à lutter contre la crise immobilière qui se profile.
Tout d’abord, dans le but de favoriser l’accession à la propriété, le gouvernement a annoncé que le PTZ (prêt à taux zéro) qui devait s’arrêter à la fin de l’année, sera finalement prolongé jusqu’en 2027.
Néanmoins, le dispositif fera l’objet d’un recentrage sur les logements neufs en collectif dans les zones tendues et les logements anciens sous condition de rénovation en zone détendue. L’objectif étant de loger le plus grand nombre et d’encourager la rénovation des passoires thermiques.
De plus, le gouvernement envisage de faciliter l’accès au crédit en étudiant la possibilité de prolongation de la révision mensuelle du taux d’usure.
Il ambitionne également d’accélérer le développement du bail réel solidaire en revoyant les plafonds de ressources à la hausse afin de permettre son accessibilité à un plus grand nombre.
En ce qui concerne l’accès à la location, le dispositif Pinel sera arrêté en 2024, le gouvernement ne le jugeant pas assez efficace. Il propose à la place de se concentrer sur le logement locatif intermédiaire qui, sans être sociaux, offrent des loyers modérés.
Des mesures sont également prévues pour le logement social, visant à aider les bailleurs sociaux à rénover leur parc immobilier et à renforcer leurs fonds propres. Ces mesures doivent encore faire l’objet d’un “pacte” avec les bailleurs sociaux.
En outre, la garantie Visale devrait être étendue de 133 %. Ce sont ainsi 2 millions de jeunes et de salariés qui bénéficieront de la garantie entre 2023–2027. En outre, le Gouvernement et Action Logement s’engagent à étudier rapidement la possibilité d’une extension de cette garantie à tous les salariés saisonniers, ainsi qu’aux indépendants.
Autre point sur lequel le gouvernement a souhaité avancer : le programme “Logement d’abord 2”. Le dispositif visant à fournir un logement durable aux personnes mal logées va bénéficier de 160 millions d’euros supplémentaires sur une période de 5 ans. De plus, 10 000 nouvelles places de pensions de famille et de 35 000 nouvelles places en intermédiation locative seront créées d’ici la fin du quinquennat.
Afin de relancer la construction neuve, qui est actuellement en stagnation, le gouvernement annonce un plan de rachat ambitieux par la Caisse des Dépôts et Action Logement qui devraient racheter 47 000 logements neufs aux promoteurs.
Pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments, le dispositif MaPrimeRénov’ sera renforcé, avec 1 300 guichets « France Rénov » contre 450 actuellement et une augmentation des « accompagnateurs Rénov’» de 2 000 à 5 000. En outre, un nouveau programme national de certificats d’économies d’énergie permettra de financer cette prestation, en particulier le reste à charge qui sera nul pour les ménages les plus modestes.
De son côté, le dispositif de «Seconde vie», expérimenté en 2023, sera pérennisé en 2024, en tenant compte des enseignements de l’expérimentation. Il s’appuiera sur une prolongation de l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, pour permettre d’éviter des démolitions et de réaliser des réhabilitations et des rénovations ambitieuses, en visant 10 000 logements par an.
Pour soutenir l’investissement dans son ensemble, le Gouvernement cherche à renforcer les fonds propres des bailleurs, notamment en poursuivant les dispositifs de prêts participatifs de la Banque des Territoires. Les conditions d’emprunt seront améliorées, avec un effort conjoncturel dans la période sur certains taux et des efforts structurels concernant les maturités des prêts.
Qu’en pensent les professionnels du secteur ?
Les réactions des professionnels de l’immobilier ne se sont pas fait attendre.
« Après sept mois de travail et plus de 200 personnes à l’œuvre, la FFB attendait un électrochoc. C’est une déception ! Quasiment aucune des propositions faites par le secteur n’a été retenue », a critiqué Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) dans un message à l’AFP.
Pour Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), c’est beaucoup de bruit pour rien. « Il n’y a pas d’incitation pour les maires bâtisseurs, il n’y a pas de statut du bailleur privé, on programme l’arrêt du Pinel alors qu’on en a besoin », a-t-il déploré. « Tout ça pour ça ! »
Le président de la FNAIM, Loïc Cantin a renchéri de son côté que « Ce sont des mesurettes, un rapiéçage, un raccommodage, l’utilisation d’anciens dispositifs qui ont plus ou moins connu un succès ».
« J’ai du mal à comprendre le lien entre l’engagement qu’ils annoncent et des mesurettes, voire des engagements extrêmement vagues », a souligné Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat et représentante des bailleurs sociaux, dans une déclaration à l’AFP.
De son côté, la Fédération française des constructeurs de maisons individuelles (FFC) estime qu’en supprimant le PTZ pour les maisons neuves, le gouvernement signifie que celles-ci « sont réservées aux plus riches, à une élite ».
Anticipant les critiques, l’entourage de la Première ministre a souligné dimanche que « ce n’est pas en une fois que l’on résout l’intégralité de la politique du logement ». Ils ont toutefois assuré appuyer « sur tous les leviers » et agir à la fois sur les aspects structurels et conjoncturels de la crise.
Quoi qu’il en soit, les professionnels du secteur déplorent un enchaînement de dispositions techniques, mais aucune mesure choc, comme l’encadrement du prix du foncier par exemple.
Olivier Klein à de son côté promis que ces annonces ne constituent « en aucun cas un point final ».