Certains logements ont malheureusement été le théâtre de faits violents et sordides. Faits qui peuvent être un frein pour une grande partie des potentiels acquéreurs.
Devez-vous en être informé avant de vous engager ? Le prix doit-il être baissé ? Dans ce cas, le propriétaire, vendeur ou bailleur, peut-il être dédommagé ?
Ouest France Immo vous explique tout.

Imaginez-vous une grande maison avec un beau jardin, bien située et à un prix défiant toute concurrence ! Au vu de la pression du marché immobilier actuel, tout laisse à penser que ce type de bien ne restera pas longtemps en vente. Et pourtant cela fait maintenant plusieurs mois que vous voyez l’annonce sur les portails immobiliers comme ouestfrance-immo.com

Où peut donc être le problème ? 

Si certains biens pèchent par leur vétusté ou d’autres critères plus personnels, on ne pense pas instinctivement à se pencher sur la réputation d’un logement.
Et pourtant, pour nombre d’acquéreurs, il s’agit du détail “qui tue”. 

 

Mon agent immobilier ou mon notaire doit-il m’informer du passé tumultueux du bien ?

 

S’il est presque impossible d’ignorer la survenance d’un crime dans certains biens tant ils ont fait la Une des médias, d’autres sont passés beaucoup plus inaperçus aux yeux du grand public. Il n’est donc pas rare d’ignorer le fait divers qui a pu se dérouler dans le bien qui vous intéresse.

D’un point de vue purement légal, il n’existe aucune obligation pour les notaires d’informer les futurs acquéreurs des événements tragiques qui auraient eu lieu dans le logement.
En effet, même si l’acquéreur s’en aperçoit par la suite, il n’aura pas la possibilité de se retourner contre son notaire pour vice caché puisque le vice caché induit une notion matérielle. 

En revanche, pour l’agent immobilier, la situation est quelque peu différente. Comme le notaire, l’agent immobilier n’est soumis à aucune obligation légale concernant ce sujet précis. Cependant, s’il décide d’omettre sciemment de communiquer ce genre d’informations à l’acheteur, ce dernier pourrait se retourner contre l’agent immobilier et le vendeur pour vice de consentement. En effet, l’agent immobilier est soumis à une obligation d’information, tout comme le vendeur par ailleurs.

 

En outre, un des principes de droit est ce qu’on appelle le Dol.
Le Dol repose sur le consentement éclairé de la personne, ici l’acheteur. L’article 1137 du Code civil dispose que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».

En d’autres termes, si le vendeur vous cache délibérément une information qui aurait pu vous amener à refuser la vente, il commet un dol. 

S’il n’existe pas encore de jurisprudence au sujet des lieux ayant été le cadre de faits divers violents en France, vous pourriez néanmoins, en théorie, vous retourner contre la ou les personnes ayant dissimulé ce genre d’information.

Quoi qu’il en soit, nous vous recommandons de toujours rencontrer vos potentiels futurs voisins avant l’achat ou la location d’un bien. Non seulement, ils vous renseigneront sur l’environnement, mais si le bien que vous ciblez a abrité un meurtre ou un tueur en série, ils ne manqueront pas de vous en informer ! 

 

Madame C. est propriétaire d’un bien ayant été le cadre d’un événement violent, peut-elle être dédommagée de la perte de valeur de son bien ? 

 

Telle est la question qu’a dû trancher la cour d’appel de Bordeaux en 2019.
Les faits se sont déroulés en Charente en 2009. Sébastien C. fête la naissance de sa deuxième fille avec des amis. Il en vient à devoir mettre dehors Eric B, fortement alcoolisé, avec l’aide de son ami Wilfried S.

Eric B. reviendra les tuer tous les deux avec son fusil. 

Il sera condamné en juin 2012 à 25 ans de prison ainsi qu’au versement d’un total de 1,2 million d’euros à la veuve de Sébastien C. et ses deux filles, en réparation du préjudice économique subi. 

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Eric B. étant insolvable, Madame C. demande à ce que le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) se substitue à lui pour le paiement. 

Alors que la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) accorde les sommes demandées en 2014, la FGTI fait appel de la décision. La cour d’appel de Bordeaux revoit alors les sommes à la baisse.
Pour contrebalancer la différence, l’avocat de Madame C. décide de réclamer l’indemnisation du préjudice de dépréciation de la maison en se basant sur une décision rendue par le tribunal de Grande Instance de Bayonne.

La cour rend un avis favorable et désigne un expert immobilier. 

L’expert se base sur les cas de trois grandes affaires criminelles récentes à cette époque et explique que les moins-values constatées se situent entre 38% et 62% du prix de vente normal de chaque bien.
En s’appuyant sur ce constat et compte tenu de la moindre médiatisation du fait s’étant déroulé dans les lieux, il propose d’évaluer le préjudice à 20%. 

En mai 2021, la cour girondine juge la proposition de l’expert recevable en s’appuyant sur une interprétation de l’article 706-3 du Code de procédure pénale et attribue ainsi 48 000 € de réparation à la famille C.

Pourtant, le FGTI se pourvoit en cassation en réfutant la lecture qui a été faite de l’article par la cour d’appel.

Ainsi, en avril 2023, la Cour de cassation donne raison au FGTI et indique que le préjudice matériel de dépréciation de la maison ne peut être réclamé uniquement au meurtrier, ici Eric B.

 

Que deviennent les maisons ayant été le théâtre d’un meurtre ou ayant abrité un tueur ? 

 

Si les murs ne parlent pas, ils sont parfois les témoins silencieux d’évènements atroces, et en gardent d’une certaine façon des séquelles. 

En effet, les lieux de vie revêtent un caractère de sécurité et d’intimité qui sont en opposition avec les faits sordides qui peuvent s’y passer. Il est donc compréhensible que pour beaucoup de gens, il soit difficile psychologiquement d’envisager d’y établir leurs cocons. De plus, certaines personnes peuvent avoir le sentiment que les événements passés pourraient avoir un effet néfaste dans leur environnement ou sur ce que certains appellent ” l’âme de la maison”, voire qu’une sorte de malédiction puisse planer sur le bien. 

Ce n’est donc pas étonnant de constater que les demeures ayant été le cadre de faits violents puissent avoir du mal à se vendre.

Non seulement la vente peut prendre beaucoup de temps, mais un passé tragique peut grandement déprécier le prix d’une propriété.

On peut prendre pour exemple la tristement célèbre maison de la famille Dupont de Ligonnès, théâtre d’un drame familial qui avait choqué la France entière. 

La maison avait mis plusieurs années à trouver acquéreur et s’est vendu bien en deçà du prix habituel pour cette typologie de bien.
En effet, le pavillon pourtant bien situé et ayant bénéficié d’une rénovation aurait été cédé pour environ 200 000 €, peut-être même un peu moins selon les commentaires de l’époque. Le bien avait toutefois été estimé autour des 450 000 €. 

C’était également le cas du chalet de la famille Flactif, en Haute-Savoie, lui aussi témoin d’un événement tragique. Il avait été estimé à 826 000 euros, « après dépréciation pour des faits criminels », il a été cédé pour 315 000 euros. 

D’autres biens ne trouvent tout simplement pas acquéreur, ou les propriétaires décident d’en finir avec la spirale néfaste que peuvent entraîner ces actes sinistres.
Aussi, près de 30 ans après les faits, la “ maison de l’horreur” de Marc Dutroux située à Charleroi, a été détruite pour laisser place à un mémorial dédié aux victimes. Son autre maison située à Lobbes est également en cours de démolition et deviendra à son tour un mémorial.

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