C'est du moins la conviction des habitants de cette grande ville canadienne, au climat très doux... Mais tout le monde n'est pas forcément d'accord, à Vancouver. Portrait contrasté d'une métropole des bords du Pacifique Nord.
Vancouver (correspondance). – « De l’extérieur, chaque ville est un ramassis de clichés, et Vancouver, bien plus que toute autre ville, se porte à la caricature». Signé Gary Stephen Ross, l’un des écrivains de cette grande ville anglophone de la côte ouest du Canada.
On la surnomme «Hongcouver», en raison de sa forte présence asiatique, mais aussi «Hollywood North», pour ses nombreux tournages de films américains. Parfois, c’est plutôt «Vansterdam», pour la réputation de son cannabis et sa rebelle attitude. Ou, à l’inverse, «No-Fun City», la ville où l’on se couche tôt.
Vancouver, c’est tout ça à la fois, mais ce n’est surtout pas une ville d’hiver! D’où la difficulté des habitants, pourtant très sportifs, à se mettre dans l’esprit olympique, jusqu’à ces derniers jours. Côté climat, c’est la moins canadienne des villes du pays. La neige est absente. La température descend rarement sous le zéro. Les joggers continuent à arpenter Seawall, 22 km de promenade maritime au centre-ville, en shorts et en manches courtes. Cette nature généreuse attire de nombreux chercheurs, artistes et étudiants…
« Vancouver, c’est Grenoble en Bretagne », résume Solen Roth, 27 ans. Pour cette étudiante franco-canadienne, la métropole bordée par les Rocheuses allie le côté écolo de la grande ville universitaire des Alpes et le climat pluvieux et maritime de Brest. « Ma première journée ici, des amis m’ont amenée à la plage au centre-ville. C’était une combinaison spectaculaire : les montagnes et la mer. » Quand elle a une soirée de libre, la jeune diplômée en anthropologie se rend jusqu’au mont Cypress, à 30 km, et chausse ses skis de fond. Mais cette année, pas de flocons non plus sur Cypress. Il a fallu faire venir de la neige provenant de 200 km pour accueillir les épreuves de free-style (les autres épreuves de ski des JO sont à Whistler, à 150 km de Vancouver).
Ici, le sport fait partie de la culture. Chaque dernier vendredi du mois, des centaines de cyclistes se rassemblent au Musée des beaux-arts pour arpenter les rues sans se soucier des voitures. L’événement, connu sous le nom de « Critical Mass », rassemble écologistes, militants du vélo… C’est tout le côté mi-bobo, mi-anar, de Vancouver qui s’exprime. Cette ville de caractère a élu le premier maire paraplégique de l’Histoire, pour, trois ans plus tard, plutôt choisir un entrepreneur écologiste (et cycliste) du nom de Gregor Robertson. C’est ici qu’est né Greenpeace, en 1971.
Mais dans le Downtown Eastside, le quartier le plus pauvre, avec un fort taux de sida, vivre en marge de la société n’est pas un choix politique. C’est la réalité. Le 8 février, au cours du relais de « la flamme des Olympiques de la pauvreté », Lucie, une Acadienne du quartier, ancienne infirmière, a vécu ses 15 minutes de gloire en lançant ce cri du coeur : « On existe et on n’a pas honte ! » Le Downtown Eastside est symptomatique du problème majeur de Vancouver : le logement. Une maison se vend en moyenne 472 000 €, un appartement se loue 800 € par mois. Une fortune, considérant que le salaire minimum se situe à 5,60 € de l’heure.
Vancouver est plus chère que New York. Et aussi diverse, avec l’anglais, le chinois et le pendjabi (Inde) comme langues les plus parlées. La moitié des 2,3 millions d’habitants de la région métropolitaine viennent de l’étranger. « Personne n’est vraiment d’ici, explique Rebecca Bollwitt, entrepreneur. Je n’ai pas d’amis dont les parents sont nés là ». Ce mélange des cultures inspire Robert Lecrom, chef du prestigieux Hôtel Fairmont : « En France, la nourriture est bonne, mais elle est restée un peu la même. Ici, il y a beaucoup de cuisine fusion, beaucoup de thèmes vietnamiens, thaïlandais, japonais… Et ça, c’est vraiment unique ! »
Dans sa cuisine, de jeunes sous-chefs aux traits asiatiques apprennent les rudiments de la cuisine française, façon côte ouest. Et dans la rue, le japadog, sorte de hot-dog américain à la sauce teryaki et aux algues, devient la nouvelle coqueluche du Vancouvérois pressé. Lequel a un autre péché mignon : sa conviction que cette ville est la meilleure. Sur leurs plaques d’immatriculation, on lit le slogan « British Columbia: Best Place on Earth » (Colombie britannique : meilleur endroit de la Terre). Les habitants rêvent de faire de Vancouver une « ville du monde », au même titre que Paris, Londres ou New York. Les Jeux olympiques sont un moyen d’atteindre l’objectif.
Un signe : avec l’arrivée de la flamme, vendredi, les Vancouvérois ont perdu leur flegme légendaire. L’engouement était là. Oubliés les doutes sur l’intérêt économique des JO. Après la cérémonie, les rues du centre-ville étaient pleines à craquer. Les habitants de « no-fun city » se sont transformés en couche-tard.