Un jeudi sur deux, le tribunal de Lisieux se transforme en hôtel des ventes. Lors de ces audiences dites d'adjudication, ouvertes à tous, des biens immobiliers sont mis aux enchères.
Reportage
Il est 9 h jeudi. La salle d’audience du tribunal de grande instance (TGI) est comble. Sur les bancs, pas de victimes de vols ou de violences, ni même de parents venus soutenir leur enfant inculpé. Mais des agents immobiliers et des particuliers fortunés, qui n’ont a priori rien à se reprocher.
Le motif de leur présence ? La convoitise d’un manoir d’exception, vendu ce matin-là aux enchères. Une bâtisse en pierres et colombages du XVIe siècle située à Fervaques, entourée d’un parc de 7,5 ha avec trois étangs et six bâtiments annexes. « Un bien d’exception, même s’il y a pas mal de travaux à faire suite à l’incendie qui a détruit la toiture en 2004, souligne un avocat. Dommage que les propriétaires, un couple divorcé, n’aient pas réussi à s’entendre pour le garder… »
Coup de théâtre
Dix minutes plus tard, les enchères sont lancées. Prix de départ : 186 000 €. Parmi les enchérisseurs, l’ancien mari dépossédé ou encore quelques agents immobiliers venus « faire des affaires ». Les enchères montent doucement : 186 000, 186 200, 187 000, 187 200… puis 205 000, 210 000, 215 000. Deux avocats se battent à coup de chiffres et finissent par atteindre 276 000 €.
Coup de théâtre. Un troisième avocat surgi de nulle part s’invite dans la bataille : « 350 000 € ! », lance-t-il d’une voix forte. Son client sourit de l’effet provoqué. « On abandonne », tranchent les deux premiers enchérisseurs. « Chacun son budget, expliquent les agents immobiliers. Nous souhaitions acheter ce bien pour effectuer des travaux puis le revendre mais à ce prix-là ce n’est plus rentable. »
L’estocade
Les enchères reprennent de plus belle entre l’auteur du coup d’éclat et un quatrième avocat. 351 000, 354 000, 355 000… La bagarre est relancée. Mais le premier semble plus déterminé. Après un jeu de ping-pong, il porte l’estocade : 550 000 € ! Un écran laisse défiler les 1,30 minutes réglementaires, et les jeux sont faits. « C’est le prix du marché », lancent, beaux joueurs, les agents immobiliers, qui regrettent quand même qu’il y ait « de moins en moins d’affaires à faire ici ».
Le nouveau propriétaire est un particulier originaire de l’Eure. Enfin, pas encore vraiment propriétaire. Il devra patienter dix jours avant de recevoir les clés. Si quelqu’un surenchérit pendant ce délai, une nouvelle adjudication sera organisée. La partie n’est peut-être pas finie.