C'est une maison troglodyte extraordinaire, avec potager sur le 'toit', à Monsoreau, près de Saumur.
Nicole et Daniel Pépin l’agrandissent depuis plus de vingt ans dans une ancienne carrière de tuffeau. « Trop fiers » de leur troglo ! Comme des dizaines d’autres passionnés de ce type d’habitat, ils l’ouvrent à la visite ce week-end.
Clic clac, font les touristes japonais et les autres, estomaqués en passant devant le porche de leur ‘ troglo ‘. Une sorte de grotte merveilleuse, éclairée par un puits de lumière formé par un gouffre d’effondrement. Ce week-end, Nicole et Daniel Pépin permettront aux curieux de pénétrer plus avant dans leur insolite propriété. Leur fierté de troglodytes entêtés. Les habitants des maisons creusées dans le tendre tuffeau du Val de Loire portent le même nom de petit oiseau qu’elles. Et assument le même diminutif, qui n’est plus lié à la pauvreté, comme autrefois. C’est-à-dire du XVIe siècle (où elles abritaient paysans, carriers, bateliers)… jusqu’à l’immédiat après-guerre.
Plus de vingt ans que les Pépin ont fui Paris pour bâtir leur « nid » sur le coteau de Monsoreau, près de Saumur, dans une ancienne carrière. « Au début, on nous a pris pour des dingues, s’esclaffe Nicole, originaire de la région. Son mari est « tombé amoureux d’elle et des troglos en même temps. A 37 ans, ma vie était finie, dit-il. J’avais un pavillon de banlieue et un bungalow à Lacanau. On a tout revendu et acheté une ruine ! Si je pouvais, j’achèterais toutes celles du coteau. Car l’ennemi du troglodyte, c’est l’abandon. »
En 1986, donc, ils ont acquis, pour 200 000 F (30 000 €), une modeste maison de cantonnier à flanc de roche, avec derrière, une impressionnante cavité envahie par la végétation et les eaux de pluie. Ils ont domestiqué la nature, chassé le lac souterrain, pour creuser leur rêve. Un album de photos relate les travaux titanesques de Daniel.
« Jardinier quatre branches » de formation, il en a depuis greffé quelques autres à son CV de retraité hyperactif. Taille de pierre, électricité, plomberie, il sait tout faire , s’aide du marteau-piqueur pour le gros ?uvre. « On s’est liés d’entrée avec un entrepreneur spécialisé dans les travaux de renforcement de la roche. » Vieille de 90 millions d’années et extrêmement poreuse… La dernière tranche de travaux du couple a consisté à résorber les fissures, enfoncer de multiples tiges de fer et boulons dans « la tuffe ». Elle lui a coûté « le prix d’une Porsche. »
« On ne reçoit aucune aide financière. Les troglos ne sont pas des maisons rentables« , rit Daniel Pépin en montrant les petites folies du sien : la cuisine voûtée, le bassin où s’ébattent truites arc-en-ciel et carpes Koï, le salon avec cheminée et la chambre d’amis creusée en hauteur. « Certains ont peur de dormir sous le rocher. Dans ce cas, on leur échange avec plaisir notre chambre, dans la maison », jubile Nicole qui réclame maintenant son spa.
« Depuis la mise en place du plan de prévention des risques naturels, on ne peut plus faire ce qu’on veut dans un troglo, pestent un peu les deux retraités, dont les géologues ont classé la maison « zone en cours de confortement ». On la connaît notre roche ! On n’a pas envie qu’elle nous tombe sur la tête ! » Alors bien sûr, il faut l’observer, l’écouter. « Le sol doit être impeccable pour déceler la moindre chute de pierre. On vit toujours balai ou plumeau à la main, pour chasser le salpêtre qui tombe des parois, forme comme une croûte de sel au printemps. »
D’autres « troglos » qu’eux se seraient, se sont, lassés. « Dans les années 1970, les gens ne savaient pas lutter contre les problèmes d’humidité. Aujourd’hui, on ventile, on chauffe et on a des déshumidificateurs performants. Ceux qui tiennent sont des passionnés, toutes classes sociales confondues », assure Daniel, qui constate un nouvel engouement et tape dans le dos d’un voisin amiral.
« Vivre en troglo, c’est le retour à l’homme primitif, la liberté. On éprouve un sentiment de sécurité qu’on n’a pas dans une maison ordinaire. Il faut me tirer pour me sortir d’ici, assure le troglodyte bricoleur qui, de son potager, six mètres plus haut, embrasse du regard tout Montsoreau et son château. « Pourquoi voyager plus loin ? »