Dépassé par l'engouement suscité par son programme d'aides contre la précarité énergétique, l'État a dû revoir son dispositif en douce. Mauvaise surprise pour de nombreux ménages.
« On va être obligés de faire un prêt pour payer la chaudière : au moins 5 000 € ! », souffle Marie. Cette retraitée de 68 ans, résidant à Locminé dans le Morbihan, ne croît plus en l’aide du programme « Habiter mieux ». Avec son mari, elle tablait sur 7 538 € de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et du Département, pour financer ses 9 000 € de travaux : chaudière à gaz, chauffe-eau, ventilation et isolation. Un « bouquet » de travaux destiné à réduire la précarité énergétique de son logement, et sa facture d’énergie.
Hélas ! victime de son succès, l’Anah, agence de l’État, a dû recentrer ses aides sur les ménages les plus modestes. Une bien mauvaise surprise pour de nombreux ménages. Qu’est-il arrivé ? en 2013, le gouvernement décide de donner un coup d’accélérateur au programme « Habiter mieux » lancé en 2011, qui aide les ménages à investir pour rénover, plutôt que les aider à payer leurs factures.
« Une question de file d’attente »
Les aides versées passent alors de 1 600 € à 3 000 €, le taux de subvention est amélioré de 35 à 50 % pour les ménages dits très modestes (20 800 € de revenu fiscal annuel pour deux personnes), et le dispositif est élargi aux foyers modestes (26 700 € de revenu fiscal annuel).
L’engouement ne se fait pas attendre, d’autant plus que les collectivités ont la possibilité d’abonder ces aides. Alors que le programme avait peiné à démarrer, 31 000 logements bénéficient de l’aide « Habiter mieux » en 2013 ; contre 12 000 en 2012.
Seul hic : l’argent commence à manquer dans les caisses de l’État. Début juillet, le gouvernement rétropédale en douce, sans communiquer publiquement. Une circulaire conseille aux délégataires sur le terrain de recentrer les aides sur les ménages très modestes. « Les conditions d’éligibilité n’ont pas changé, assure Blanche Guillemot, la directrice générale de l’Anah. C’est plus une question de file d’attente, priorité étant donné à ceux qui en ont le plus besoin. »
Il n’empêche… Des dossiers de foyers modestes, a priori éligibles, sont retoqués. Pas de chiffre à diffuser, mais l’Anah comprend le « mécontentement » suscité. Et notamment dans l’Ouest, où la rénovation énergétique est particulièrement dynamique. Mais, rappelle l’Anah, « l’État s’est adapté, en doublant son budget en deux ans. Pour 2014, alors qu’on partait sur la rénovation de 38 000 logements, l’État a débloqué les aides nécessaires pour passer à 50 000. »
Marie, elle, regrette d’avoir été « poussée à faire ces travaux » par le délégataire de l’Anah. « Voilà le résultat ! », grince-t-elle. D’autant qu’il lui a tout de même fallu payer à l’Anah les 735 € de visite, étude thermique et frais de dossier. « J’ai payé en trois chèques : le premier a été encaissé. » Le conseil général du Morbihan a, lui, maintenu sa participation de 10 %. Mais Marie doit encore reboucher un grand trou dans sa salle de bain. « On l’avait laissé en attendant d’installer la VMC… »