Deux sociétés spécialisées dans la vente de logements neufs sur Internet se livrent une guerre commerciale et juridique. Des salariés de l'une ont-ils fouillé, par voie numérique, le fichier clients de l'autre ?
L’immobilier, un univers impitoyable. Un monde où, jour et nuit, on se connecte aux réseaux numériques pour conclure des ventes. Où tous les coups sont permis, jusqu’à une forme d’espionnage…
Voilà le décor planté par les avocats de la société qui exploite le site Internet Logisneuf (basée à La Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes) à la barre du tribunal correctionnel. Ils ont dans le collimateur un gros concurrent : le cabinet Peterson (Rennes), qui exerce aussi dans la vente de logements neufs via Internet. « C’est une guerre économique », observe un avocat rennais qui déplore au passage que le tribunal nantais soit « instrumentalisé ».
Pour faire simple, Logisneuf accuse un ancien salarié d’avoir confié ses codes extranet à deux salariés du concurrent Peterson. Les indélicats auraient alors usé de ces données pour fouiller les fichiers clients et les biens proposés à l’achat par Logisneuf.
« Douze ans de travail »
Or, ces fichiers, c’est le nerf de la guerre. Tous les deux cents à cinq cents coups de fil, selon l’état de santé du marché, les commerciaux réalisent une vente. « Ces fichiers, c’est douze ans de travail, gronde un des avocats de Logisneuf, Me Jamoteau. Cela permet au site d’être référencé en première page sur Google et ça, ça vaut des millions d’euros. C’est du dopage. On pompe les données du concurrent ! »
Accusations « vagues » ou « fantaisistes », rétorque la défense. Oui, les salariés visés ont bien admis face aux enquêteurs avoir fait usage de ces codes mais « par simple curiosité ». Ils n’expliqueront rien face au tribunal puisqu’ils ont préféré s’y faire représenter par leurs avocats.
Pour ces derniers, « pas une preuve » ne vient démontrer qu’une vente a pu être réalisée grâce à ces codes. « Avez-vous une pièce pour dire que ces personnes ont eu un contact téléphonique avec un des prospects ? Non. Aucune. » Ce n’est pas l’avis du procureur, Yann Richard, pour qui le délit « d’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données » est « caractérisé ».
D’ailleurs, ça l’inquiète pour l’avenir : « On est dans un monde où nos données personnelles, comme des codes d’accès, ont pris beaucoup d’importance. C’est autant de tentations pour des personnes peu recommandables. Je crains que ce délit devienne très familier… »