Les impôts locaux vont-ils s'envoler pour certains, fondre pour d'autres ?
En s’attaquant à la révision des valeurs locatives des habitations, base de calcul des taxes foncière et d’habitation, le gouvernement a pris le risque d’ouvrir une boîte de Pandore.
Ce chantier, dont l’ouverture était réclamée depuis des années par les élus locaux, a été lancé par Bernard Cazeneuve, ministre du Budget et Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée à la Décentralisation, lors d’une rencontre avec les associations d’élus et les responsables des commissions des finances du Parlement.
L’enjeu est d’actualiser les bases d’imposition de 46 millions de locaux d’habitation, fixées en 1970 et restées inchangées depuis : obsolètes, elles ne reflètent plus la réalité du marché locatif. Un chantier similaire pour les locaux professionnels a déjà été engagé et doit aboutir en 2015, mais la tâche était d’une bien moindre ampleur (3 millions de locaux).
- Evolution des indices de confort
Il y a 43 ans, une baignoire, le chauffage central ou les sanitaires, considérés comme des « indices de confort », justifiaient une valeur locative plus élevée. En conséquence, les bâtiments récents se retrouvent plus taxés que les immeubles anciens, dont la valeur locative est gelée depuis quarante ans, mais qui ont souvent été modernisés depuis.
Dans la capitale par exemple, certains résidents de l’un quartiers des quartiers les plus cossus, le Marais, s’acquittent de taxes locales dérisoires, car elles ont été assises sur l’état des bâtiments, datant parfois du XVIIIe siècle, dans les années 1970, alors qu’ils étaient souvent à l’abandon. A l’inverse un logement social en banlieue, pourra, lui, avoir une valeur locative supérieure à celle d’un appartement de surface équivalente, dans le Marais. Dans une même rue, à quelques numéros de distance, la taxe d’habitation d’appartements similaires peut ainsi varier du simple au triple.
- Une révision indolore ?
Le but affiché par le gouvernement est donc de « remettre de la justice dans le système fiscal local« , tout en simplifiant le mode de calcul de ces valeurs locatives, qui seront désormais mises à jour très régulièrement. Mais ce toilettage ne sera pas sans conséquences, ni pour les locataires, qui s’acquittent de la taxe d’habitation, ni pour les propriétaires, qui règlent la taxe foncière.
« Cela va induire des transferts de charges entre les contribuables : pour certains, la valeur locative va augmenter, et pour d’autres, elle va baisser », reconnaît-on au ministère de la Décentralisation.
Afin d’être le plus indolores possible, ces modifications devront s’étaler sur une période de plusieurs années, à définir en concertation avec les élus, selon la même source. Car les présidents de conseils généraux et les maires risqueraient une sanction électorale, à cause d’une hausse des impôts… résultant mécaniquement de la révision des valeurs locatives.
- L’indispensable consensus politique
Au début des années 1990 un vaste travail technique de révision des données avait été engagé, mais « les gouvernements successifs, d’abord de gauche, puis de droite (…) ont renoncé », rappelle le président UMP de la commission des Finances de l’Assemblée, Gilles Carrez. « C’est une réforme extraordinairement difficile à conduire (…) mais absolument nécessaire.
Plus le temps passe, plus il devient indispensable d’avoir le courage de s’y atteler« , souligne-t-il. « J’espère qu’on arrivera à la faire avec un minimum de consensus politique », relève M. Carrez. Car des injustices se créent non seulement entre contribuables mais aussi entre collectivités, puisque les valeurs locatives entrent dans le calcul des dotations qu’elles reçoivent. Au final la réforme – qui nécessite une large collecte de données – ne se concrétisera pas avant 2018.
L’Association des petites villes de France (APVF) a souhaité qu’elle ait lieu « dans des délais raisonnables » et soit « abordée dans le cadre de l’intercommunalité ». La concertation avec les élus doit se poursuivre en octobre, avec l’ambition d’inscrire le lancement de la réforme dans le projet de loi de finances rectificative votée en décembre.
Le Premier ministre l’avait annoncée mi-juillet dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité.