La France compte plus de 500 000 logements considérés comme indignes, souvent propriétés de "marchands de sommeil" contre lesquels veut lutter le gouvernement.
Profitant d’un marché de l’immobilier qui met sur la touche les plus démunis, les « marchands de sommeil » leur proposent des logements dégradés, voire insalubres, qu’ils ne peuvent refuser faute de solutions.
Chantage et menaces sont souvent monnaie courante pour les obliger à payer un loyer exorbitant au regard de l’état de l’habitat.
- Des marchands de sommeil sont régulièrement poursuivis en justice
Début juin, l’un d’eux, âgé de 54 ans, a été arrêté : il avait découpé un ancien atelier insalubre d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) en 19 logements, loués à des personnes d’origine haïtienne, dont des familles avec enfants et des sans-papiers. Il avait déjà été poursuivi à Bobigny pour des faits similaires.
- Certaines situations aboutissent à des drames
En septembre 2012, trois personnes sont mortes dans l’incendie survenu dans un immeuble insalubre de Saint-Denis (Seine Saint-Denis).
- Au total, environ un million de personnes vivent dans des conditions mettant en danger leur vie ou leur santé, selon le ministère du Logement. Taille du logement, structure du bâti fiable, accès à l’eau et à des sanitaires, présence suffisante de fenêtres et d’ouvertures, système électrique aux normes, chauffage suffisant, absence de substances dangereuses comme le plomb ou l’amiante, sont les principaux critères pour déterminer si un logement est digne ou pas. Ils peuvent faire l’objet d’un arrêté d’insalubrité ou de péril, s’ils présentent des risques pour la santé des occupants ou du voisinage.
Constatant que « la législation actuelle n’a pas empêché le phénomène des marchands de sommeil de se développer » et que les sanctions sont « trop lentes dans leur mise en oeuvre », la ministre du Logement, Cécile Duflot, présentera le 26 juin une série de mesures plus coercitives, dans le cadre du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur).
Cécile Duflot : « Mes mesures contre les marchands de sommeil. par rtl-fr
- « Bras d’honneur à la République »
Elle entend notamment interdire l’achat de nouveaux biens immobiliers aux propriétaires déjà condamnés pour habitat indigne, leurs imposer des astreintes financières de 200 euros par jour pour les obliger à rénover les logements et suspendre le versement des allocations logements jusqu’aux travaux.
Des mesures saluées par Patrick Doutreligne, délégué générale de la Fondation Abbé Pierre, qui lutte depuis une vingtaine d’années contre les taudis, et surtout depuis cinq ans, avec son programme « SOS Taudis », qui identifie les situations de logement indigne et aide les familles à s’en sortir.
« Il y avait des failles dans le système précédent, explique-t-il. Jusqu’à présent, même avec une décision d’un tribunal, même avec une injonction de la préfecture, les marchands de sommeil faisaient un bras d’honneur à la République, en ne faisant pas les travaux demandés, et les sanctions pénales arrivaient trop tardivement ».
L’astreinte financière journalière de 200 euros est « plutôt positive », assure-t-il. « Pour toucher aux marchands de sommeil, il faut toucher à leur porte-monnaie. » De même, empêcher certains marchands de sommeil déjà condamnés de racheter des logements pour faire de l’investissement, « va dans le bon sens ».
« Dans certaines copropriétés, les marchands de sommeil, en situation d’impayés parce qu’ils refusent de s’acquitter des charges et de l’entretien du bâtiment, contribuent à dévaloriser la copropriété. Cela leur permet de continuer à acheter des logements dans cette copropriété, puisqu’ils sont de moins en moins chers », explique-t-il, citant l’exemple d’un de ces marchands de sommeil, installé en société civile immobilière, qui possède « plus de 14 logements insalubres dans une copropriété ».
Enfin, il trouve également « assez astucieux » de suspendre le versement des allocations logement au propriétaire, tant que ce dernier n’a pas effectué les travaux demandés. « Cette forme de séquestre incitera fortement le propriétaire récalcitrant, qui aura un an pour faire les travaux afin de récupérer le total des allocations. » Le projet de loi prévoit qu’il ne puisse pas réclamer la somme au locataire.