Où en est le marché de l’immobilier neuf ? Quel va être l’impact de la fin du dispositif Pinel ? Comment le secteur de la promotion voit la ville de demain ?
Nolwenn Lam Kermarrec, présidente de la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) Bretagne, a accepté de répondre à nos questions.
Pouvez-vous dresser un état du marché de l’immobilier neuf en Bretagne ?
Le marché de l’immobilier neuf en Bretagne traverse actuellement une période difficile. Les neuf premiers mois de 2024 affichent un recul de 26 % des mises en vente par rapport à 2023. Quant aux ventes, elles ont diminué de 5 % par rapport à l’année dernière, et même de 44 % par rapport aux neuf premiers mois de 2022.
Cette situation est marquée par un retrait important des opérations, ce qui signifie que les impacts de cette crise seront durables. Avec une baisse des autorisations de construction, l’offre de logements se réduit, amplifiant les tensions sur le marché locatif, où les besoins restent pourtant pressants.
Les Pyramides d’Argent ont eu lieu la semaine dernière à Rennes. Le concours, organisé par la FPI Bretagne, a récompensé 10 promoteurs immobiliers ayant reçu 11 prix. Pouvez-vous expliquer à nos internautes qui est la FPI, en quoi consiste ce concours et comment il répond aux enjeux de notre territoire ?
La Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) Bretagne regroupe une quarantaine de promoteurs actifs sur notre territoire, mêlant des acteurs régionaux, nationaux et locaux. Cette diversité permet des échanges autour des problématiques et des bonnes pratiques de notre secteur, en dialogue constant avec la région Bretagne, le préfet, les collectivités, ainsi que d’autres acteurs comme la Fédération Française du Bâtiment (FFB Bretagne), l’ARO (acteurs sociaux), les notaires et les banques.
Les Pyramides d’Argent, qui existent depuis de nombreuses années, sont un concours qui met en lumière le savoir-faire et l’engagement des promoteurs. Dans le contexte actuel, ce concours revêt une importance particulière en valorisant des projets qui répondent aux défis de notre époque : reconstruire la ville sur elle-même, intégrer les enjeux environnementaux, assurer une gestion responsable des projets et proposer une qualité d’habitabilité.
Le concours ne concerne que des projets en cours de réalisation, qui seront donc livrés d’ici un ou deux ans. Les projets récompensés couvrent un large spectre, allant des logements aux opérations mixtes, et jusqu’à des bâtiments tertiaires.
Ce qui distingue les Pyramides, c’est leur jury indépendant, composé notamment des partenaires de la FPI Bretagne, mais aussi de la directrice du pôle habitat de Rennes, de deux journalistes, d’une architecte et, cette année, de Loïc Hénaff en qualité de président. Ainsi, il s’agit de parties prenantes externes, ce n’est pas un concours de l’entre-soi où les promoteurs se récompensent entre eux.
Les Pyramides d’Argent valorisent les projets tournés vers l’innovation et l’écologie. Quelle est, selon vous, la responsabilité des promoteurs dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
La responsabilité des promoteurs dans la lutte contre le réchauffement climatique est indéniable. Ce concours illustre d’ailleurs notre capacité collective à innover et à élever nos standards. Les prix décernés ne récompensent pas des projets faisant exception, mais confirment que la qualité et l’ambition sont des normes que nous nous imposons quotidiennement.
En France, nous avons cinq ans d’avance sur les normes européennes. Nous construisons selon les normes RE 2020, et nous passerons aux normes RE 2025 dès janvier prochain. Cette anticipation témoigne de notre sérieux en matière de construction durable.
Les bâtiments résidentiels neufs contribuent à limiter les émissions de gaz à effet de serre grâce aux efforts constants du secteur pour innover et réduire leur impact, ce qui permet d’avoir un impact positif sur le parc de logements en France. Aujourd’hui, l’usage énergétique du secteur résidentiel représente 12 % des émissions nationales, loin des 30 % attribués à l’immobilier à l’échelle mondiale. Les quatre réglementations environnementales successives en moins de 20 ans , combinées à l’engagement des promoteurs à concevoir
des logements de plus en plus performants, ont permis de faire des bâtiments neufs un levier clé de la transition écologique. À titre d’exemple, un logement neuf conforme à la RE 2020 consomme environ cinq fois moins d’énergie que la moyenne des logements anciens.
Enfin, l’utilisation croissante de matériaux biosourcés, bas-carbone ou géosourcés réduit considérablement l’impact environnemental dès la phase de construction.
Le dispositif Pinel prend bientôt fin et aucun dispositif de substitution n’est envisagé à l’heure actuelle. Comment envisagez-vous la fin de ce dispositif ?
La fin du dispositif Pinel est une très mauvaise nouvelle, surtout dans un contexte de crise immobilière aggravée par le manque d’investisseurs. Depuis 2022, les contraintes économiques (hausse des taux, prix élevés) ont freiné les projets d’investissement pourtant essentiels pour répondre à la pénurie locative.
Ce n’est pas qu’un problème de plateformes comme Airbnb, bien que cela puisse jouer un rôle dans certaines villes du littoral. À Rennes, par exemple, nous faisons face à une pénurie criante : 5 500 logements étudiants manquent à l’appel, et on compte un logement disponible pour dix demandes. Les investisseurs privés sont donc indispensables.
Face à cette situation, la FPI Bretagne, soutenue par des députés bretons et la région, propose une expérimentation pour développer des logements locatifs intermédiaires accessibles à des investisseurs privés. Des acteurs institutionnels comme CDC Habitat le font déjà, mais cela reste insuffisant. Nous avons besoin d’un relais pour Pinel.
Le secteur de la promotion est fortement challengé cette année. Quelle projection du marché de l’immobilier neuf pouvez-vous faire pour 2025 ?
Le secteur reste combatif et en quête de solutions. La demande est là, tout comme l’envie d’investir dans la pierre, particulièrement en Bretagne, un territoire attractif et dynamique.
Une bonne nouvelle réside dans la baisse progressive des taux d’intérêt, qui devraient se stabiliser prochainement, rendant les conditions d’achat plus favorables. Nous n’espérons pas un retour aux taux particulièrement bas post-Covid, mais une situation plus propice pour les acquéreurs.
Cependant, sans alternative au dispositif Pinel et avec des mesures envisagées comme l’augmentation des frais de notaire, nous risquons de freiner les investisseurs et acquéreurs potentiels. Cette mesure n’est pas une bonne solution.
En revanche, la confirmation de l’extension du PTZ serait une bonne nouvelle.
Le secteur de la promotion reste vigilant et agile, prêt à répondre aux besoins des acquéreurs.
Afin de répondre aux enjeux de logement et d’écologie, le secteur de l’immobilier doit se réinventer. Quelle est votre vision de la ville de demain ?
La ville de demain doit se construire sur elle-même, en respectant les principes de la ZAN (Zéro Artificialisation Nette). Le secteur s’inscrit déjà dans les objectifs du ZAN, avec 97 % des constructions réalisées sur des terres déjà artificialisées, et 91 % pour le résidentiel. Cela implique de mieux intégrer les constructions dans leur environnement existant, en favorisant la végétalisation et les espaces de pleine terre. En effet, la ville de demain doit aussi être attentive à la ville d’aujourd’hui.
Rennes en est un bon exemple, avec sa volonté de verdir le centre-ville tout en densifiant. Cependant, la densité, bien que nécessaire pour répondre aux besoins de logement, doit réussir à se faire accepter. Cela passe par de la créativité et de la flexibilité dans les projets urbains.
Un urbanisme ambitieux et adapté est la clé pour répondre aux besoins grandissant de logement, tout en protégeant notre environnement.
En plus de votre casquette de Présidente de la FPI Bretagne, vous êtes également présidente de Kermarrec Promotion. Comment le groupe Kermarrec participe-t-il au dynamisme du territoire breton ?
Le groupe Kermarrec Promotion est un acteur régional engagé, présent sur l’ensemble du territoire breton. Nous intervenons dans tous les secteurs de l’immobilier : résidentiel, tertiaire, commercial et industriel. Nous livrons des projets clés en main, adaptés aux besoins des entreprises, contribuant ainsi à leur ancrage territorial, à la création d’emplois et à la stabilité des familles.
Notre connaissance fine du territoire breton nous permet de proposer des projets pertinents, ancrés localement. Nous restons attachés à notre région, et notre souhait est de continuer à participer à son dynamisme tout en répondant aux enjeux actuels d’écologie et d’habitat.