Entre la chute des dotations de l'État et la trajectoire habituelle des finances locales, souvent en progression, la hausse de la pression fiscale complique la vie des élus comme des contribuables.
Communes et groupements (communautés) ont-ils modéré la pression fiscale après une année de fortes hausses pour certains ?
Chaque collectivité locale a vu midi à sa porte, avec sa propre logique, afin de faire face à la diminution des concours financiers de l’État. Les nouveaux élus locaux de 2014 ont pu estimer, dès le début de leur mandat, ce que serait, à l’euro près, leur contribution au redressement des finances publiques. Il y a eu ceux qui ont anticipé, tout de suite, l’effet de la baisse des dotations, et donc de leurs recettes, en augmentant dès 2015 leurs taux d’imposition. D’autres ont eu une attitude attentiste, laissant venir 2016 ou 2017 pour voir si la diminution de leurs investissements ou la réalisation d’économies de fonctionnement suffiraient à compenser la chute de leurs dotations sans qu’ils ne soient obligés de faire appel à la pression fiscale. Certaines villes, comme Nantes ou Toulouse, ont dès le départ décidé de réaliser leur programme d’équipements prévus, choisissant alors d’élever fortement, en 2015, leurs impôts locaux. Ce sont des choix politiques.
Comment les collectivités locales ont-elles répondu au désengagement de l’État ?
Il faut plutôt parler d’une diminution, certes considérable, que d’un désengagement. Il y a eu 11,5 milliards d’euros en moins de dotations entre 2014 et 2017. Cela devait être 12,5 milliards avant le cadeau électoral de François Hollande aux communes et EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) dans la loi de finances pour 2017. Cette perte de ressources considérable a eu trois effets. On a observé, tout d’abord, une baisse très importante de l’investissement, la variable d’ajustement la plus aisée. Les chiffres varient entre – 25 et – 30 %. Plus de centre nautique ou de médiathèque, projets reportés à des jours meilleurs ou sine die.
À noter, ensuite, un effort sur les dépenses de fonctionnement des services, constaté par la Cour des comptes, avec la quasi disparition des recrutements nets et, souvent, un gel des subventions. Et, en dernier recours, l’augmentation de la pression fiscale.
Globalement, l’augmentation des taux d’imposition n’a pas été significativement différente de celle qui a été constatée en début des mandats précédents, quand les dotations augmentaient et que la taxe professionnelle produisait à plein régime.
Que doit-on craindre si le président Macron réduit encore les moyens financiers des collectivités ?
Il n’est pas sûr que les élus locaux puissent continuer à faire des économies de fonctionnement sans fermer des services publics. Si, comme les élus le disent, ils sont au maximum des économies possibles, ils seront obligés de répercuter le manque de dotations sur l’impôt local. Un nouveau plan de diminution des dotations de l’État pourrait donc avoir un effet plus important qu’actuellement.
Y a-t-il des inégalités en matière de taxe d’habitation ?
Il y a des injustices liées aux valeurs locatives qui varient d’une commune à l’autre pour un même type de logement. Ensuite, le taux d’imposition est en général plus élevé dans les grandes villes que dans les petites. Autre facteur : l’implantation d’entreprises enrichissant fiscalement la commune. Les ménages y seront, en conséquence, moins fortement mis à contribution.
Évolution des taux : des jugements à nuancer
Certes quelques villes baissent leur pression fiscale comme Morlaix ou Basse-Goulaine. Pas en deçà de 1 % néanmoins. Une diminution peut être la conséquence, dans plusieurs cas, de l’effet mécanique d’une fusion avec d’autres communes. Lorsqu’il s’agit d’augmentations, elles ne sont pas extrêmement fortes. Les plus importantes sont souvent dues à la création d’un taux de foncier bâti intercommunal qui n’existait pas alors qu’il a déjà été mis en place dans beaucoup d’autres communautés. Les élévations de taux se constatent souvent dans les communes à faibles contributions fiscales par habitant et à faible taux d’imposition. Ainsi, à Carhaix, dont la communauté ne disposait pas encore de taux de foncier bâti, on paie 1 224 € d’impôts locaux par habitant – loin de la moyenne bretonne de 1 573 € ! – avec un des deux taux de foncier bâti les plus faibles de Bretagne. Idem à Ancenis ou à Vitré, où il faut, là aussi, parler plutôt de rattrapage fiscal par rapport à la moyenne. Et Vitré, commune riche, à faibles taux d’imposition, ne bénéficiant pas des péréquations mais y contribuant, est par ailleurs contrainte de relever ses taux d’imposition. Il convient, enfin, de remarquer que, la plupart du temps, les communes qui ont augmenté leurs taux en 2017 ne l’avaient pas fait les années précédentes… quand d’autres le faisaient.